L'ouverture possible du droit à la procréation médicale assistée aux homosexuelles divise le corps médical.
• La levée de l'anonymat des donneurs Aujourd'hui, le don de sperme ou d'ovocytes (beaucoup plus rare) est anonyme et gratuit, principe réaffirmé lors de la dernière révision des lois bioéthiques. Mais certains spécialistes anticipent: une pression ne s'exercera-t-elle pas pour qu'un enfant élevé par deux femmes puisse connaître le nom de son géniteur et inscrire ainsi un «référent masculin» dans son histoire? C'est une revendication qui a déjà été exprimée par les milieux homosexuels. «Si on autorise cette levée de l'anonymat, elle concernera aussi les parents hétérosexuels», estime le Pr Frydman. Mais beaucoup de familles où les enfants sont nés par don de sperme ne souhaitent pas connaître l'identité du donneur. Elles voient même un risque à revenir sur le principe de l'anonymat: par crainte de cette intrusion imposée, les parents pourraient désormais cacher à leur enfant la façon dont il a été conçu afin qu'il ne pose aucune question en grandissant. À rebours des théories actuelles qui veulent que les parents n'enferment pas dans «un secret de famille» leur recours à un géniteur extérieur. «C'est un vrai risque, confirme Christophe Masle, président de l'association Adedd, qui regroupe des parents comme des donneurs. Et trois quarts des donneurs sont contre la levée de l'anonymat.»
• La pénurie des dons Aujourd'hui, le système, qui limite à dix le nombre d'enfants issus d'un homme, manque de donneurs. La fin de l'anonymat pourrait sensiblement décourager les bonnes volontés et, donc, rallonger les délais d'attente. Ces 6 à 18 mois de patience, selon les régions, sont l'une des principales préoccupations des patients lancés dans ce que tous nomment «un parcours du combattant». Pour lutter contre la pénurie, les Cecos demandent même aux couples infertiles de venir avec «leur» donneur. Pour respecter l'anonymat, celui-ci ne leur fournira pas personnellement ses paillettes mais viendra grossir le stock du Cecos. «On manque de réflexion et d'information», juge le Pr Frydman qui voit cependant mal deux circuits de PMA se créer, l'un pour les hétérosexuels, l'autre pour les homosexuelles. Mais on n'échappera pas à des questions telles que: “Mon sperme va-t-il permettre de concevoir un enfant destiné à des lesbiennes?” Il faudra savoir que répondre.»
• Les mères porteuses L'autorisation de la GPA (gestation pour autrui) pour les couples d'hommes est souvent présentée comme le corollaire de la PMA pour les lesbiennes. «Le gouvernement assure que non, mais ce sera la prochaine étape», prédisent les adversaires des projets actuels, en dépit des dénégations officielles. Dans sa grande majorité, la communauté médicale est opposée à la GPA et à la «marchandisation» du corps de la femme. Même le Pr Yvon Englert, chef du service de gynéco-obstétrique de l'hôpital Erasme à Bruxelles où se rendent nombre d'homosexuelles pour «fabriquer des bébés Thalys», est prudent: «Avec la GPA, on prend des risques énormes. Après neuf mois de grossesse, on peut s'arracher l'enfant entre parents et gestatrice ou, au contraire, le rejeter totalement sous prétexte d'une malformation. Je n'en fais pas.»
Quelle ressemblance au père pour un enfant de lesbienne?
Aujourd'hui, les médecins spécialistes de l'aide à la procréation tentent de faire correspondre les caractéristiques morphologiques du donneur de sperme avec celles du futur père de l'enfant. Sans chercher à créer une impossible copie conforme, ils trouvent, parmi le fichier de donneurs, un profil proche. L'objectif n'est pas que l'enfant soit ressemblant mais qu'il ne semble pas incongru dans le couple: même couleur de peau, de cheveux, d'yeux, même taille ou poids à l'âge adulte. C'est la technique de l'«appariement».
Quelle attitude adopter pour un couple d'homosexuelles? Il serait absurde de chercher un donneur «ressemblant» à la femme qui ne portera pas l'enfant. Les spécialistes ne veulent pas des dérives à l'américaine où le choix se fait sur catalogue et où, en Californie, un couple de sourdes-muettes ont «commandé» un enfant atteint du même handicap…
À l'hôpital Erasme de Bruxelles, le Pr Yvon Englert, qui a permis la naissance d'un millier d'enfants pour des homosexuelles depuis ses débuts il y a trente ans, rassure: «On se contente de ne pas mélanger les couleurs - un enfant blanc pour des femmes noires - mais aller plus loin n'aurait aucun sens. Cela reviendrait à créer un mensonge tentant de faire croire que l'enfant est issu des deux femmes.»
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