Nul n'est irremplaçable : j'ai su par des ricaneurs pantalonnés que Jean-Georges sortait avec Victoire.
Frédéric Beigbeder, Mémoires d'un jeune homme dérangé
Le soir même, c'est souvent comme ça, je les ai rencontrés chez le ministre d’État B. Jean-Georges faisait semblant de rien. Victoire était ravie de me narguer. J'aurais dû m'énerver mais j'étais trop lâche ou trop mégalomane.
Alors je me suis vengé sur Anne cette nuit-là en lui administrant une fessée redoutable. Bien que ce genre d'échauffement ne lui déplût guère, il fallut qu'elle protestât pour la forme. Je dois reconnaître que je n'y allai pas de main morte, frappant ses hanches avec le journal de Stephen Spender (Editions Actes Sud, 518 pages, 160 francs).
A ce propos, j'aimerais m'autoriser une petite incidente sur les mérites comparés des différents écrivains pour ce type d'activités. Il est clair que les "Grognards" et affiliés seront trop légers, trop rapides ou trop souples, à l'exception, peut-être, de Denis Tillinac, idéal pour une franche correction terrienne, ou de Michel Déon, pour une note de discipline à l'irlandaise. Il conviendra également d'éviter les pavés : Sulitzer ou Françoise Chandernagor risqueraient de causer des ecchymoses disgracieuses. Sans tomber dans l'excès inverse, les Éditions de Minuit par exemple, trop coupantes ou trop sèches, l'idéal se trouve à mi-chemin entre la saga quantitative et la jeune littérature pressée. D'où le mérite incontestable des Éditions Actes Sud, dont le format étroit facilite la prise en main et le fessage à plat, spectaculaire sans être trop cruel. Les livres avant-gardistes, en voici la confirmation, constituent une excellente punition.
Frédéric Beigbeder, Mémoires d'un jeune homme dérangé