L’adolescence est un passage douloureux pour certains. Pour Pauline, 16 ans et amatrice de dreadlocks, cela va prendre la forme d’une révélation. En effet, Karine, la mère de la jeune fille a décidé d’emmener cette dernière en balade. Une promenade en pleine nature durant laquelle Pauline devra découvrir et faire face à un secret sur elle-même : non, elle ne sera jamais noire. Reportage
Une perte d’identité
La mère et la fille marchent main dans la main le long de l’étang de Villeneuve-lès-Maguelone dans l’Hérault où elles habitent. Michel, le mari de Karine et beau-père de Pauline est resté à la maison. Il préfère « laisser les deux filles entre elles » comme il dit. Elles parlent entre elles rigolent, évoquent le lycée où est scolarisée l’adolescente. Avec espièglerie elles discutent ensuite d’Alexis, le petit copain de Pauline. Les deux promeneuses sont complices.
Puis après un moment de flottement, vient cet instant autour duquel Karine a construit toute cette promenade. Elle s’adresse à sa fille : « Ecoute Pauline : tu ne seras jamais noire. Tu ne seras même jamais aussi cool qu’un homme ou une femme noire. Tu es blanche et ça craint. Il va falloir faire avec, assumer ça. » Et la mère bienveillante d’enchaîner : « Car plus qu’être soi-disant branchée grâce à des dreadlocks, ce qui compte Pauline, c’est que tu saches qui tu es vraiment. Et là en l’occurrence c’est d’une petite fille blanche pas très jolie dont je parle. »
Après ce discours de vérité, la jeune fille encaisse l’information non sans embarras mais semble malgré tout l’intégrer avec calme. C’est un profond traumatisme identitaire qui vient de se dérouler à l’intérieur d’elle. Pour Pauline c’est probablement un long travail sur soi qui commence. Un travail sur l’image qu’elle a d’elle-même, peut-être via une thérapie. Ce chemin difficile, elle ne le fera pas seule comme lui explique sa mère qui tient à lui assurer son soutien : « Tu peux compter sur moi et ton père pour te rappeler à chaque fois que tu en auras besoin qui tu es, te rappeler qu’au grand jamais tu ne seras une rastafari jamaïcaine. »
D’autres vérités
Après le choc de la nouvelle, Karine et sa fille rentrent à la maison. Le dîner du soir se déroule dans une légère tension puis Pauline part s’enfermer dans sa chambre comme d’habitude. Mais ce soir, le dernier album de Tryo ne se fait pas entendre à travers la porte de la jeune fille. Sa mère, elle, est partagée entre soulagement et inquiétude : « Je lui ai laissé une tondeuse et des ciseaux sur son lit. J’espère qu’elle comprendra… En tout cas je suis contente qu’elle ait accueilli cette nouvelle avec maturité. Si vraiment elle l’assimile sereinement, alors peut-être dans un futur proche, avec son père, nous pourrons lui parler du fait qu’elle n’était pas vraiment désirée. »
Le gorafi