Aucune croissance ne permettra de rembourser ce qui est dû, contrairement à ce qu'on fait croire au public. La situation est encore plus grave que tout ce que les analystes osent évoquer : on voudrait nous faire croire que la qualité dite Triple A de la dette du pays (qui signifie qu'elle serait des plus sûres et solides pour les investisseurs et que le risque de défaut souverain serait quasi nul) sera toujours maintenue. Comme si les États-Unis avaient une dette de meilleure qualité que celle de la Chine, qui possède, elle, 3 000 milliards de dollars de réserves de devises et dont le gouvernement n'a pratiquement aucune dette !
Myret Zaki, journaliste suisse, étaye la thèse de la faillite du modèle économique américain dans son livre La fin du dollar. Tout d'abord, elle fait remarquer que les chiffres américains sont une vaste supercherie : les chiffres du PIB sont déconnectés de la réalité à la faveur des changements méthodologiques et de redéfinitions constantes, passées largement inaperçues auprès du grand public. Le PIB réel serait bien inférieur à ce qui est publié - c'est la thèse déjà défendue en 2002 par Emmanuel Todd dans son livre Après l'Empire.
L'inflation est largement sous-estimée. La bourse américaine cache l'inflation dans ses gains. La productivité est un mythe. Le taux de chômage réel est deux fois plus élevé que dans les statistiques officielles. Les comptes de la réserve fédérale sont truqués... Selon Shadow Government Statistics, le vrai taux de chômage aux États-Unis ne serait pas celui des 9,8% officiels, mais de 22,4% pour décembre 2010, proche des 25% de la Grande Dépression.
On estime aussi que plus de la moitié des composants du CPI, le panier de la ménagère américaine, donne une vision trompeuse d'une inflation toujours montrée comme étant basse. Par exemple, si le prix du steak augmente, on le remplace par un produit équivalent moins cher, comme de la viande hachée. Or, l'inflation est déjà en marche et s'accélère : en moyenne, les prix alimentaires de base ont augmenté de 48% entre octobre 2009 et octobre 2010. Les épargnants et les consommateurs n'ont plus d'informations fiables sur la valeur de leur pouvoir d'achat, de leurs placements et de leur épargne et sont en voie de paupérisation. Cet ensemble d'indicateurs fictifs s'auto-alimente et s'auto-valorise. Le processus de comptabilité créative qui a permis d'embellir ces chiffres relègue la Grèce ou l'Irlande au rang d'amateurs en la matière : les statistiques américaines sont en réalité devenues un exercice en relations publiques, destiné à mettre en valeur les États-Unis dans les comparaisons internationales faites par le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque mondiale et l'OCDE. Le repiquage machinal de l'information officielle dispersée par les responsables économiques ressemble à un exercice de désinformation et de marketing. Finalement, on peut se demander quelle est la vraie valeur d'une économie où tout ce que les Américains possèdent appartient à quelqu'un d'autre. Chaque dollar est emprunté, tout est hypothéqué, il n'y a plus de fonds propres : les voitures appartiennent aux sociétés de leasing, les maisons aux banques, les capitaux pour les retraites et les prestations de santé nécessitent un financement qui s'amenuisera à cause de la démographie et de la crise, l’État percevra moins de recettes fiscales et, avec l'inévitable baisse de la notation AAA, la dette coûtera de plus en plus cher.
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique