"Notre utilité, nous avons à la prouver." Cette réflexion de Jean-Paul Delevoye, le nouveau président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), en dit long sur une institution qui a plus de 50 ans. Depuis toujours, le Cese, dont les frais de fonctionnement atteignent 40 millions d'euros par an, est avare d'avis qui, par ailleurs, ne sont guère remarqués. Il compte 233 membres désignés parmi les "forces vives" de la nation, qui représentent souvent ce que l'on fait de mieux dans la bureaucratie syndicale, tant ouvrière que patronale. L'avantage pour ses membres est matérialisé par une indemnité de 3 800 euros brut par mois et une retraite à faire pâlir d'envie tous ceux qui ont manifesté en 2010. Ce régime est tellement avantageux que la Cour des comptes s'en est émue, estimant que cela fait peser sur l’État un risque budgétaire de 218 millions d'euros.
Mais pourquoi s'en soucier ? L'institution qui se réunit au palais d'Iéna, offre pour les pouvoirs de droite et de gauche bien des avantages. Jamais le Cese n'a défié Matignon ou l’Élysée. La provocation, ce n'est pas son truc. Ni la proposition, d'ailleurs. Qu'a recommandé le Cese pour les retraites ? Absolument rien. Et d'ailleurs, par quel miracles les syndicats et le patronat qui sont en guerre sur tout feraient-ils des propositions construites et intelligentes uniquement parce qu'ils devisent près du Trocadéro ? Ne craignant rien d'une assemblée qui ronronne, le pouvoir y trouve avantage en recasant ses amis. Parmi les membres du Cese, 40 en effet sont désignés par Matignon. La promotion 2010 ne manque pas de sel. Aux côtés de Raymond Soubie, ancien grand prêtre des négociations sociales à l’Élysée, on trouve une rameuse et navigatrice émérite, Maud Fontenoy, un producteur de cinéma, Alain Terzian, et... une flopée d'élus UMP.
Le Point n°2014