Le président juge tenable l'inversion de la courbe du chômage à la fin de l'année. Mais le doute grandit.
Y croire ou pas? François Hollande, qui connaît les travers que lui reproche l'opinion, ne veut pas paraître hésitant. «Il faut être clair sur l'objectif», a-t-il demandé mercredi à son gouvernement. Son objectif reste toujours d'«inverser la courbe du chômage à la fin de l'année 2013». Malgré les derniers chiffres catastrophiques enregistrés: 3,17 millions de chômeurs de catégorie A, et la situation économique ne devrait pas s'améliorer…«C'est un objectif qui est tenable», a martelé le chef de l'État au Conseil des ministres. «C'est une nécessité sociale et économique», a-t-il ajouté. Samedi, le président avait pourtant semblé douter lors d'une conférence au Salon de l'agriculture. Pour marquer sa volonté, il a corrigé et donné la tonalité: «Il faut donner confiance aux Français.»
«Une fracture qui s'installe»
L'inquiétude pointe pourtant au sommet de l'État: la progression du chômage est pire que prévu, devrait se poursuivre toute l'année et battre des records. François Hollande anticipe les conséquences potentielles: «Une fracture qui s'installe», a-t-il souligné la semaine dernière. «Il y a des chiffres qui sont très inquiétants» dans les prévisions de la Commission européenne, a-t-il poursuivi: «Quand il y a des taux de chômage des jeunes qui dépasse 50 % dans un certain nombre de pays, 25 % en France, il y a des risques d'explosion.» Le chef de l'État a ajouté: «Moi, je ne veux pas mettre en cause la cohésion nationale.»
Dans son entourage, on relativise et on minore la portée du propos: «Vous cherchez la petite bête… Il n'y a pas de signes qu'il y ait des tensions sociales.» Au sein de la majorité, on se veut aussi optimiste. «Notre politique a pour objectif d'apporter de la cohésion et de la stabilité pour contrecarrer les effets de la crise», explique un ministre. «La crise provoque des tensions sociales, des inquiétudes, des incompréhensions, de la violence… Mais je ne vois pas de phénomène d'ampleur à l'horizon.»
«Personne n'a jamais prévu une explosion sociale»
Pourtant, François Hollande n'est pas le seul à évoquer le risque. Que ce soit pour s'en inquiéter ou pour en faire le reproche au gouvernement. «Que sera la France dans quatre ans? Si rien n'est fait, nous subirons une chute brutale du niveau de vie qui peut déboucher sur une conflagration civile qui peut mettre en péril notre pacte républicain», a mis en garde l'ancien premier ministre UMP François Fillon mardi soir. «Personne ne peut prévoir les mouvements puissants d'une société. Personne n'a jamais prévu une explosion sociale», modère Bernard Poignant, un proche du président.
L'exécutif a vécu avec inquiétude le drame de ce chômeur qui s'est immolé mi-février à Nantes. L'aggravation du chômage de longue durée est préoccupante. «Il y a un phénomène très dangereux: lorsque des gens qui sont exclus du marché du travail n'y reviennent jamais plus», analyse Karine Berger, ancienne économiste de la campagne de François Hollande. Mais la députée des Hautes-Alpes est confiante: «Je suis persuadée que l'inversion de la courbe du chômage est tenable. Nous sommes au bout d'un cycle.»
Ne pas nourrir les anticipations anxiogènes
C'est aussi la conviction de François Hollande. Mais le chef de l'État a quand même demandé à son gouvernement «d'accélérer» la mise en œuvre des réformes. Certaines tardent à se mettre en place, comme les emplois d'avenir qui «démarrent lentement», admet un ténor de la majorité. Le président est aussi particulièrement «soucieux», dit-on, de l'application de l'accord entre partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi. «Le président est attentif à ce que cela aille vite et sur la nécessité de faire travailler vite l'administration», explique un conseiller du président. Le chef de l'État sait que son bilan sera jugé sur le front de l'emploi.
Dans ce contexte, François Hollande a effectué un nouveau rappel à l'ordre. «Je vous demande de maîtriser votre parole et de ne pas parler de ce que l'on fera en 2014», a-t-il demandé lors du Conseil des ministres. Le chef de l'État ne veut pas nourrir les anticipations anxiogènes: nouveaux prélèvements fiscaux, dégradation des chiffres… Il ne faut pas déprimer davantage les Français.