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La France, un État totalement en faillite (en 1797)

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Dominique Ramel

Oui, la France est en faillite. Mais non. Michel Sapin n’a pas vraiment fait avancer le Schmilblick, dimanche, lorsqu’il a affirmé que la France était «un État totalement en faillite» avant de rectifier le tir à grands coups d’ «entourage» plaidant l’hyperbole ironique. 

Deux siècles plus tôt, l’ironie n’est pas de mise au Conseil des Anciens. L’ambiance est électrique : la France fait banqueroute. 

En cette fin de XVIIIe, les finances publiques sont dans un état pitoyable, que la vente des biens de l’Église et les emprunts ne masquent qu’un temps. Émis en masse, les assignats, titre d’emprunt émis par le Trésor, ne cessent de se déprécier. L’inflation est galopante. En 1796, le Directoire tente, bien trop tard, de mettre fin à ce système : les planches à assignats sont symboliquement brûlées place Vendôme. Le papier-monnaie va s’effondrer à son tour. L’administration est totalement désorganisée, les registres de contribuables ne sont pas tenus à jour, quand ils ne sont pas perdus. L'État en est réduit à emprunter à taux usuraire à de très riches particuliers. Qui deviennent d’immensément riches particuliers. 

Le 30 septembre 1797, c’est la banqueroute : le ministre des finances du Directoire, Dominique Ramel, fait voter une loi qui ferme le marché des obligations et prévoit que les deux tiers des créances de l’État vont être remboursées sous formes de bons au porteur. Personne n’est dupe : ces bons ne vaudront bientôt plus rien. In fine, la loi annule de fait les deux tiers de la dette publique ; l’histoire retiendra le nom de « faillite des deux tiers». 

Avant de faire voter cette loi, le Directoire a pris soin d’envoyer la troupe, le 4 septembre, arrêter les majorités monarchistes au Conseil des Cinq-Cents et au Conseil des Anciens, en même temps que de de nombreux journalistes. C’est le coup d'État du 18 fructidor. Les temps barbares où la guillotine sanglante décapitait du soir au matin sont révolus : les prisonniers sont expédiés dans des cages à Rochefort pour être déportés en Guyane, la «guillotine sèche»... 

La loi est donc votée sans encombre, en dépit de vociférations des Anciens qui avalent là une couleuvre en même temps qu’ils mangent leur ridicule chapeau rouge et noir à plume. 

Car c’est un bouleversement : la vertueuse République renoue avec les pratiques abjectes de l’Ancien Régime, celles des tyrans aussi piètres gestionnaires que prompts à annuler les dettes qui les étranglaient. L’ Assemblée nationale constituante n’a-t-elle pas déclaré, le 13 juillet 1789, que «nul pouvoir n'a le droit de manquer à la foi publique, sous quelle forme et dénomination que ce puisse être» ? 

Surtout, la blessure est narcissique : la République française, dont les glorieuses armées s’illustrent en Belgique et en Italie, doit mettre un genou à terre devant un bilan comptable. «J'efface les conséquences des erreurs du passé pour donner à l'État les moyens de son avenir», se défend le ministre Ramel, qui est en passe de rejoindre le cercle fermé des hommes les plus haïs de la République. 

Les rentiers sont ruinés, Ramel lève de nouveaux impôts tous azimuts, comme le célèbre impôt sur les portes et fenêtres. L’octroi est rétabli aux portes de Paris. En vain. Le déficit est de retour en 1798, les soldes des militaires ne sont plus payées. En 1799, il est remercié. 

Au final, la banqueroute est un succès : les finances sont assainies quelques années plus tard après le coup d’État de Napoléon. Mais à quel prix : l’État a durablement ruiné son capital confiance, et il faudra attendre plusieurs décennies avant que la France puisse à nouveau lever un emprunt. Depuis, la France n’a jamais renoué avec la banqueroute…

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