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L'effondrement : mécanismes de l'effondrement

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Historiquement, nous assistons au début de la défaillance de l'idéologie du progrès. Dès le XVIIIe siècle, des penseurs et des humanistes ont commencé à affirmer que des civilisations utopistes - parfaites socialement et économiquement - étaient possibles. Voltaire pensait que la raison pouvait apporter justice et réformes. Condorcet voyait dans l'histoire une marche inévitable vers la justice et l'égalité. Pour faire simple, ce sont ces idées qui ont inspiré les révolutionnaires américains en 1776, français en 1789, européens en 1848, russes en 1917, etc. 
  • A chaque nouvelle étape de civilisation, à chaque nouvelle société, il faut réunir les trois conditions suivantes :
  • Une nouvelle façon de créer du sens à partir de la nouvelle réalité (économique, sociale, structurelle...) et une nouvelle manière d'interpréter celle-ci ;
  • Des institutions répondant au mieux aux aspirations sociales de la population, en d'autres termes, un nouveau contrat social ;
  • Un niveau technologique permettant une productivité accrue. 
     L'ère industrielle n'a pu apparaître au XIXe siècle que parce que ces trois conditions étaient réunies :
     On a appliqué une vision du monde rationnelle, dite des Lumières, et productiviste qui donnait un nouveau sens au monde. 
     On a mis en place un nouveau contrat social plus complexe que le précédent, s'appuyant sur la démocratie et les libertés individuelles. A l'inverse de la monarchie absolue et de la religion, ce libéralisme a mis au centre du système les classes bourgeoises et marchandes, qui ont remplacé l'aristocratie et le clergé.
     La science, la technologie et surtout les énergies fossiles ont apporté une augmentation de productivité inimaginable jusqu'alors. 

     Les sociétés industrielles furent ainsi plus dynamiques et créatives que les sociétés agraires qui les avaient précédées parce qu'elles encourageaient un développement économique permanent. Les sociétés agraires trouvaient leur sens dans un système monarchique et religieux qui symbolisait lui-même la continuité de l'ordre et des cycles naturels, le rythme de la vie étant celui d'une répétition immuable des saisons et celui de la tradition de la foi en Dieu. A l'inverse, la société industrielle a foi dans le progrès : l'individu doit améliorer sa vie par le travail, l'invention et la créativité, et les sociétés doivent toujours croître, s'étendre et innover pour être florissantes et survivre. Même les économies de services dépendent de flux d'énergies et de ressources. Par exemple, l'éducation de masse, qui est un investissement très important en capacités techniques et en capital social, est uniquement possible par une volonté centralisatrice et une richesse elle-même constituée de l'exploitation de ressources naturelles. 
     Dans la société agraire, l'économie était régie par des relations sociales - droits, permissions, obligations envers les autres déterminées par le statut ou la classe sociale. Les marchés n'étaient que secondaires et avaient comme unique but de faciliter les échanges de biens. Dans un monde où la foi et le devoir étaient les plus grandes valeurs, le commerce représentait un statut social bas et immoral. C'est pourquoi dans les grandes religions monothéistes que sont le christianisme et l'islam, le prêt avec intérêt était interdit entre croyants. C'est tout l'opposé dans la société industrielle où ce qui est valorisé socialement est la richesse matérielle. Les sociétés sont réglées par les transactions financières et par l'accès aux capitaux, nécessaires pour l'investissement initial de l'industrie - achat de machines, mise en place de processus industriels, construction d'usines, etc. La fonction des marchés n'est pas seulement d'échanger des biens mais surtout d'accroître le capital. L'économie entière est au service d'un système financier destiné à soutenir une expansion infinie du capital. Le capital augmente surtout par le prêt et le retour sur investissement. La monnaie se crée par la dette. Et l'intérêt ne pouvant jamais être totalement remboursé nécessite une constante création de monnaie. A l'infini. En contrepartie, il faut une croissance et une expansion infinies. Dans un monde aux ressources limitées, ce système finit inévitablement par s'effondrer. 
     La manière d'envisager le monde et le sens donné à la réalité par les individus et les institutions de l'ère agraire étaient faits pour une société d'économies locales, peu connectées entre elles, où il y avait peu de gens et beaucoup de ressources. Or, l'ère industrielle a rapidement transformé le monde en un village global, hautement interconnecté, avec une très grande population et des ressources de plus en plus rares. 
     Ce système est devenu dysfonctionnel, cannibale et destructif. Sa fin approche car il est obsolète. Son effondrement est inéluctable. 

Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique

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