Obligée de faire des économies et croulant sous un sureffectif d’officiers supérieurs, l’armée française s’apprête à fermer l’ESM de Saint-Cyr Coëtquidan. Mais ses bâtiments de Guer, dans le Morbihan, ne resteront pas inemployés.
Lors de sa récente intervention télévisée, le président de la République a annoncé que le ministère de la Défense n’aurait pas à subir de coupes budgétaires radicales. Les perspectives restent néanmoins très sombres pour l’armée française. Elle prévoit une envolée du coût des opérations extérieures dans les prochains mois, avec l’envoi de corps expéditionnaires en Syrie, au Liban, au Tchad, en Tunisie, etc. Les visées des États-Unis sur l’îlot de Clipperton pourraient aussi lui imposer une intervention comparable à la guerre des Malouines de 1982.
Or l’armée ne peut déjà plus faire face à ses charges permanentes. « L’enjeu principal concerne la masse salariale », expliquait le premier président de la Cour des comptes voici quelques mois. « Le renforcement du taux d’encadrement, qui est passé de 14,6% à 15,9% entre 2008 et 2009, présente, outre son coût intrinsèque, davantage d’inconvénients que d’avantages. (…). En particulier, il y a lieu de s’interroger sur le nombre d’officiers généraux, qui est resté à peu près constant en dépit de la réduction du format des armées. L’armée de terre compte ainsi 176 généraux pour seulement 15 brigades à commander : plus de cent généraux de l’armée de terre servent en dehors de celle-ci. Pour les 3.468 officiers ayant un grade équivalent à celui de colonel, les commandements disponibles de régiments, de bâtiments de la marine et de bases aériennes sont au nombre de 150. »
Sous le nom de code « opération Requin marteau », le ministre de la Défense et ex-président de la région Bretagne, Jean-Yves Le Drian, prépare en secret des mesures radicales pour obliger le lobby militaire à réduire l’inflation de galons. Pivot de l’opération : la fermeture de l’ESM de Saint-Cyr Coëtquidan pendant au moins une dizaine d’années. « Mécaniquement, l’effectif d’officiers diminuerait ainsi d’environ 2.000 unités », explique le colonel Poisson, aide de camp du ministre. « En y ajoutant les départs en retraite, nous reviendrions presque dans les clous en 2025. »
Le plan a fuité, ce qui provoque déjà des remous divers dans l’armée. « S’ils remplacent les jeunes lieutenants par de vieux officiers supérieurs, on va rire », raille un bazar de la promotion Général Goujon. « J’aimerais bien voir des colonels bedonnants crapahuter dans le désert malien par 40° à l’ombre. »
Les vastes et somptueux locaux de l’École spéciale militaire à Guer ne seront cependant pas désertés. Le départ d’Afghanistan « se fera dans l’ordre et la sécurité, j’y veillerai et je m’y engage », a assuré le président de la République lors d’une cérémonie solennelle aux Invalides. La question n’est pas si simple : des dizaines de milliers de collaborateurs afghans de l’armée française ont déjà déposé des demandes d’évacuation. Les locaux de l’ESM seront donc reconvertis en centre d’accueil de réfugiés afghans. Un millier de familles, soit environ 10.000 personnes, pourraient ainsi s’installer dans le Morbihan dès septembre 2013.
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