"Notre génération n'en finit plus de franchir des limites, ou de détruire tout ce qui les incarne, plutôt que de les transmettre, avec leur part d'infondable", écrivaient deux psychanalystes, Monette Vacquin et Jean-Pierre Winter, dans Le Mondeà propos de la loi sur le "mariage pour tous" (Non à un monde sans sexes !, 4-12-2012). Notre chroniqueur Alain Gras affirmait dans le même journal au sujet de la procréation médicalement assistée (PMA) qu' "on ne peut être contre la fuite en avant technologique quand il s'agit de faire des enfants" (le 12-1-2013). Hervé Kempf, journaliste toujours au Monde, observe, lui, qu' "un des piliers de la réflexion écologiste, dans le fil notamment des réflexions d'Ivan Illich et de Jacques Ellul, est en effet le questionnement de la technique, la critique de son caractère autonome, le refus de son caractère illimité. Les effets en sont, selon les écologistes, à la fois néfastes pour l'environnement - parce qu'elle favorise une transformation de plus en plus nuisible de la biosphère - et aliénante - parce qu'elle conduit à rendre l'humain esclave de son outil. Or la PMA s'inscrit pleinement dans cette analyse. (...) L'enjeu technique donc écologique de cette évolution possible du droit doit être clairement posé et débattu" (12-1-2013). Les écologistes se réclament à l'avant-garde pour sommer d'intégrer et d'accepter les limites de la nature, le respect de la vie, le principe de précaution, le refus de toute-puissance technologique ou la marchandisation du vivant, par exemple avec les OGM. N'y a-t-il pas un paradoxe à observer ceux qui prétendent être leur représentation électorale devenir tout à coup les plus zélés défenseurs de la technique et du "sans limites" quand il s'agit d'écologie humaine ? Par exemple pour réclamer la PMA ou la gestation pour autrui (GPA), comme Noël Mamère ? Et devenir alors les plus ardents utilisateurs de la rhétorique binaire des "progressistes contre les réactionnaires" qui leur est opposée quand ils se posent en défenseurs de la planète ? Comment l'expliquer ? La cohérence ne nous oblige-t-elle pas à refuser le "sans limites" "dans tous les domaines" comme nous y invitait, par exemple, le philosophe et psychanalyste Cornelius Castoriadis ?
La Décroissance N°97