Thierry Jaccaud est le rédacteur en chef du trimestriel L’Écologiste.
La Décroissance N°97
Que sont la PMA et la GPA ? Je crois que, d'abord et avant tout, ce sont de parfaits inconnus. Inconnus du grand public, et je dirai même tout simplement inconnus du peuple. C'est gênant : nous sommes en démocratie, où le peuple est censé exercer le pouvoir. Or il n'y a jamais eu en France un débat national sur ce sujet. Jamais.
Est-ce que la profession de foi de François Hollande au second tour de l'élection présidentielle disait le moindre mot à ce sujet, ou même seulement du mariage homosexuel et de l'adoption par un couple homosexuel ? Non, rien, pas un mot. Pas une ligne. C'est d'ailleurs le mérite de Laurent Guimier, journaliste à Europe 1, d'être allé vérifier ce que disait le candidat Hollande, puisque les partisans du "mariage pour tous" serinent qu'il s'agit d'un engagement du candidat à la présidentielle. Eh bien, voilà le résultat, facilement vérifiable pour chacun : rien donc sur la profession de foi qui est le seul document adressé aux 43 millions d'électeurs, rien dans aucun des clips de campagne du candidat socialiste. Rien non plus lors des trois heures de débat de second tour entre les deux finalistes.
Bien sûr, j'entends crier : "Mais si, enfin, c'est l'engagement numéro 31, quoi !" Ah oui, c'est vrai, il y a une brochure de quarante pages sur les engagements de François Hollande, au tirage plus ou moins confidentiel à l'échelle du nombre d'électeurs. Cette brochure détaille ce qui est résumé sur la profession de foi. Comment détaille-t-il la "réforme de civilisation" absente de sa profession de foi ? Avec treize mots. Pas un de plus. Les voilà : "J'ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels." Avec une belle photo, puisque le sujet s'y prête et que ladite brochure est très illustrée ? Non, rien du tout. C'est on ne peut plus discret. Vous remarquerez quand même que le mot PMA n'y figure pas. Et pendant des semaines, Christiane Taubira a effectivement soutenu mordicus que ce projet de loi ne concernait que le mariage et l'adoption par des personnes de même sexe, et pas la PMA... que Jean-Marc Ayrault a promis pour une future loi.
Alors, tout de même, la PMA serait donc absente de ce projet de loi ? Non, malheureusement. Il suffit pour une femme d'aller en Belgique pour pratiquer une insémination artificielle, avec donneur anonyme selon la loi belge, et de revenir en France. Si le projet de loi devait être appliqué, alors l'enfant sera adoptable par sa conjointe selon le principe de l'adoption plénière, qui efface la filiation biologique. Comme par définition le père est inconnu, l'adoption plénière sera accordée sans aucun problème. Et l'enfant se retrouvera avec deux mères. Que la PMA soit faite en Belgique ou en France ne change rien évidemment.
(...) Le problème est de bouleverser la filiation de cet enfant, de supprimer volontairement le père, de supprimer toute sa généalogie paternelle. Très concrètement, le problème est de légaliser la fabrication d'orphelins de père. Se rend-on compte de l'énormité de ce que nous propose ce projet de loi ? Faut-il céder au désir d'enfant, même des plus sincères, dans ces conditions ? Lors du vote solennel en première lecture à l'Assemblée nationale, les députés de la majorité ont applaudi le résultat du vote en scandant "égalité, égalité " ! Mais quelle égalité ? L'égalité des adultes, peut-être. Et l'égalité des enfants ? Un enfant n'a-t-il pas un droit élémentaire à avoir un père et une mère ? Aujourd'hui, lorsque ce n'est pas le cas, il s'agit d'une situation accidentelle. L'adoption plénière qui existe actuellement vise précisément à réparer cet accident en redonnant à un enfant un père et une mère "crédibles", qui ne sont pas ses géniteurs biologiques, mais qui pourraient l'être, comme l'avaient déjà théorisé les Romains. Aujourd'hui, le législateur donnerait l'onction de la loi à la création de situations accidentelles ?
Supposons pour conclure que ce projet de loi soit adopté. Que se passera-t-il ? Le gouvernement l'a déjà expliqué : la nouvelle définition du mariage sera enseignée à l'école, dès la grande section de maternelle, car "c'est là que se créent les stéréotypes" comme le dit Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement. Et c'est à tous les enfants que sera enseigné le fait que leurs parents peuvent être, au choix, un homme et une femme, ou deux femmes, ou deux hommes. Autrement dit, pour satisfaire le désir d'une toute petite minorité, c'est la notion même de filiation qui serait bouleversée. Et comment croire que cela sera sans conséquences sur la construction psychique des enfants, de tous les enfants ?
La solution ? Il n'y en qu'une : le retrait de ce projet de loi inique.
La Décroissance N°97