Les gouvernements et les publicistes en cette fin d'octobre 2011 ont bien compris l'ampleur de la crise actuelle, et les médias désormais en sont pleins. Cette crise les terrifie car ils comprennent les implications pour leur statut personnel et leur pouvoir d'un échec du projet dans lequel ils ont tout investi, jusqu'à l'argent des autres ! Ils prétendent alors que la zone euro nous a protégés de la crise. Mais ceci est complètement faux, un ultime mensonge après tant d'autres. Rappelons ici la réalité des faits.
La zone euro ne nous a nullement protégés de la crise des banques comme nous l'avons montré. Elle l'a même accentuée. En raison de la faible croissance qu'elle a induite et de la déréglementation en son sein, elle a poussé les banques européennes à chercher des positions avantageuses hors de la zone euro et a ainsi joué un rôle majeur dans la contagion de la crise. Si la crise des subprimes est devenue une crise européenne, c'est bien à la zone euro telle qu'elle existe qu'on le doit.
La zone euro, il est vrai, semble nous avoir protégés de la fluctuation des taux de change. Mais les taux d'intérêt sur les dettes publiques ont littéralement explosé, et ce alors que l'on ne peut plus profiter de l'effet positif de dévaluations qui auraient permis à certains pays (comme l'Espagne, le Portugal, la Grèce, l'Irlande) de retrouver une compétitivité qu'ils ont perdue du fait même de la zone euro. Comme on l'a dit, la spéculation s'est déplacée des taux de change vers les taux d'intérêt, mais elle n'a pas disparu. En fait, ceci condamne toute partie de la zone euro à subir une "double peine" dans la mesure où elle doit faire des efforts considérables pour maintenir l'euro tout en ne profitant plus de la convergence des taux d'intérêt, qui était bien la seule que l'on ait connue avant la crise. En bref, nous avons actuellement tous les inconvénients de la monnaie unique sans en avoir les avantages.
L'effet déflationniste de la zone euro ne peut aujourd'hui que s'accroître avec les ajustements budgétaires prévus. L'ampleur de ces derniers ne cesse d'ailleurs d'augmenter. Ils ne peuvent qu'enfoncer nos pays dans la crise et le chômage de masse. Ceci compromet la sortie de crise de 2007-2008. Ou plus exactement organise la transition d'une crise mondiale à une crise européenne qui lui succédera.
Ainsi, loin d'être une solution, l'euro est bien partie prenante du problème dans sa forme actuelle. Il est donc condamné à aller de crise en crise jusqu'à sa disparition finale ou à connaître une réforme profonde et radicale.
Jacques Sapir, Faut-il sortir de l'euro ?