L'ETOUFFEMENT PROGRESSIF DES CHRETIENS AU PAKISTAN
LES MOLUQUES SUBMERGEES PAR L'IMMIGRATION MUSULMANE
Aymeric Chauprade, Chronique du choc des civilisations
Comment peut-on être chrétien dans un Pakistan où l'islam est le coeur de la construction nationale, l'origine même de la partition de l'Empire britannique au moment de la décolonisation ? Face à 95% de musulmans, les 2 millions de chrétiens catholiques et protestants (et environ autant d'hindouistes) pèsent peu, et leur souci premier, avant l'évangélisation, est de survivre au double assaut du fanatisme musulman et d'un Etat islamique qui procède par étouffement progressif (nationalisation des écoles chrétiennes, obstacle à la réparation et à la construction des églises, etc.). Depuis 1984, une loi punit de mort la diffamation de Mahomet et par la prison à vie tout blasphème envers le Coran. Près d'une centaine de chrétiens sont en prison en vertu de cette loi, qui permet surtout, par des accusations invérifiables, de se débarrasser aisément d'un chrétien. Si les assassinats de chrétiens par es groupes de fanatiques restent rares (cas par exemple de Javed Anjum et de Samuel Masih, assassinés en 2004 et 2003 par des étudiants d'écoles coraniques qui tentaient de les convertir par la force), le problème est qu'ils restent impunis. Le 18 mars 2005, 150 élèves d'une école coranique investissent un temple protestant et violentent les femmes présentes. Le lendemain, la police fait fermer le temple mais ne poursuit pas les coupables. Le 12 novembre 2005, quelque 3 000 personnes, ayant eu vent qu'un coran aurait été brûlé par des chrétiens, se ruent à l'assaut du village de Sangla Hill, près de Lahore : trois églises sont incendiées et des centaines de bibles détruites.
LES MOLUQUES SUBMERGEES PAR L'IMMIGRATION MUSULMANE
A l'est de Java, l'archipel des Moluques se situe entre Célèbes et la partie occidentale de la Papouasie. Peuplée de près de 2,5 millions d'habitants, cette partie de l'Indonésie compte un grand nombre de chrétiens (essentiellement protestants), comparativement aux autres provinces indonésiennes : 36,9% de protestants et 5,8% de catholiques contre 56,8% de musulmans. Cependant, au nord de cet archipel, les taux sont différents : 71,4% de musulmans, 27,2% de protestants et 1,3% de catholiques.
Le 19 janvier 1999, à Amboine, capitale des Moluques, une altercation entre un chauffeur de bus local et un passager, l'un chrétien, l'autre musulman, déclenche un conflit qui durera trois ans (jusqu'aux accords de Malino du 12 janvier 2002), fera autour de 10 000 victimes et 500 000 déplacés et causera la destruction d'environ 15 000 habitations et commerces. Comme pour de nombreuses régions périphériques de l'Indonésie, le conflit est largement la résultante de la politique dite de transmigration menée par le gouvernement central de Jakarta. L'"archipel aux épices" a vu s'inverser le taux de chrétiens par rapport aux musulmans, et celui des "Moluquois de souche" par rapport aux "transmigrants".
Aux Moluques, les immigrants viennent principalement de l'île de Buton (sud-est de Célèbes), mais on y trouve aussi des Bugis et des Makassars (sud de Célèbes), ainsi que des immigrants de Java et de Sumatra ; soulignons que tous sont musulmans. Reprenant les pratiques bataves consistant à favoriser l'émigration de populations makassaraise et maduraise (fidèle aux Hollandais) vers les autres régions de l'Indonésie moins peuplées, les différents gouvernements ont utilisé cette méthode pour maintenir dans le giron de Java ces îles de la périphérie, 70% de la population indonésienne (220 millions d'habitants) étant concentrée sur Java.
Pour contrer une révolte des chrétiens, qu'ils interprétaient comme un séparatisme (de fait la tendance séparatiste existait dans les Moluques), le gouvernement de Jakarta utilisa l'islamisme. Des appels au djihad furent lancés en février 2000 lors d'une grande manifestation dans la capitale indonésienne. Le Laskar Jihad, un mouvement islamiste radical, entra en scène, envoyant depuis Java des milliers de combattants pour "défendre les musulmans agressés par les chrétiens". Le but était de débarrasser les Moluques de toute présence chrétienne et de ne laisser comme alternative aux chrétiens que la conversion ou la mort.
Avec le conflit des Moluques, apaisé (mais non éteint) depuis 2002, le nationalisme indonésien, pourtant défenseur d'un islam ouvert à l'Occident (l'Indonésie tolère les pénétrations de la civilisation occidentale bien plus que la Malasie ou le Pakistan), a prouvé qu'il était capable, en cas de besoin, d'instrumentaliser des mouvements djihadiques très radicaux.
Aymeric Chauprade, Chronique du choc des civilisations