Officiellement, le remaniement n'est pas à l'ordre du jour. Pourtant, l'exécutif n'a plus le choix. Le premier gouvernement du quinquennat a vécu !
François Hollande annule deux déplacements "au contact des Français", puis à peine s'est-il posé sur l'aéroport de Brives qu'il doit être exfiltré pour éviter d'entendre les sarcasmes des Corréziens. Les membres des cabinets ministériels n'osent plus parler aux journalistes. Des élus locaux PS déchirent leur carte d'adhérent. Le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous, Erwann Binet, est empêché d'intervenir lors d'une conférence-débat à l'université de Saint-Étienne. Mediapart et Le Monde annoncent à mots à peine couverts qu'ils ont d'autres révélations à rendre publiques. Les enquêtes pour connaître l'identité de ceux qui étaient informés de la situation fiscale de Jérôme Cahuzac cernent désormais Pierre Moscovici, son ministre de tutelle, Christiane Taubira, garde des Sceaux, et Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. Les sondages sont chaque jour plus désastreux. Le juge Van Ruymbeke semble avancer à pas de géant sur le montant et les conditions d'alimentation du compte en Suisse de Cahuzac et d'autres personnalités enregistrées à la fiduciaire Reyl & Cie... C'en est trop pour un seul gouvernement ! La pression est insupportable. Les jours du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sont comptés.
Le pire est à venir !
Bien que le président de la République ne veuille pas - à raison - agir sous la pression, il n'a plus le choix. D'autant que l'agenda politique, économique et législatif est piégé. Le Sénat discute jusqu'au 12 ou au 13 avril le projet de loi sur le mariage pour tous et, au Palais du Luxembourg, obtenir la majorité sur ce texte semble de plus en plus improbable. Une commission des sages doit statuer sur l'aéroport Notre-Dame-des-Landes près de Nantes. Qu'elle recommande sa construction et les Verts en feront un casus belli - ils n'attendent que ça ! -, qu'elle en conteste l'utilité et ce sera un échec de plus - et sans doute de trop - pour le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La croissance de la France est encore revue à la baisse (0,1 % en 2013, dixit Pierre Moscovici) et 2014 ne sera pas plus favorable. Ce sont désormais 20 milliards d'euros supplémentaires de recettes ou d'économies qu'il faut trouver.
Politiquement, l'UMP, le Front national et les amis de Jean-Luc Mélenchon cognent de plus en plus fort et le développement des "affaires" leur a donné raison. La tragi-comédie des hésitations de l'ancien ministre du Budget à retrouver (ou pas) son siège à l'Assemblée nationale n'arrange rien. Et s'il devait finalement renoncer à son mandat, une élection législative partielle se tiendrait en mai, et il est difficile d'imaginer que le Parti socialiste puisse conserver ce siège. Une défaite qui, à défaut d'être spectaculaire, serait emblématique...
Une nouvelle manifestation contre le mariage pour tous est déjà en préparation et, comme les précédentes, elle se transformera en un vaste rassemblement contre la politique du gouvernement. Non seulement l'ambiance est pourrie, mais l'horizon est bouché. Quelques déclarations d'intention n'y feront rien. François Hollande doit se couper la main avant que la gangrène ne gagne l'ensemble de sa majorité et ne sape définitivement son autorité.
Et maintenant ?
Mais un scénario noir se profile. Si l'aile gauche du PS se met en rideau, l'exécutif n'aura plus de majorité. La colère du très respecté Gérard Filoche, membre du bureau national du parti depuis 20 ans, n'est pas isolée ni moquée. Elle est même le reflet d'une vaste minorité silencieuse chez les socialistes. Les parlementaires multiplient les initiatives et les tribunes dans la presse pour "mettre en garde" l'exécutif, préconiser un virage sur l'aile, remonter les mécontentements de leurs électeurs ou prévenir qu'ils sont prêts à lâcher le gouvernement. La conjonction de ces ras-le-bol n'est pas loin. À son apogée, elle aboutirait à une démission de François Hollande. Celui-ci ne dispose plus de beaucoup d'armes.
L'option France en guerre a déjà été tentée : le conflit au Mali n'aura été qu'un répit de courte durée pour le président. Un référendum ? Dans l'état actuel des esprits, quelle que soit la question posée, la réponse sera non et affaiblira un peu plus encore l'Élysée. La dissolution ? Elle conduira soit à une cohabitation avec l'UMP soit à un "scénario à l'italienne" avec l'arrivée massive au Palais-Bourbon de députés issus du Front national ou du Front de gauche, et peut-être à une majorité introuvable qui bloquerait les institutions. Partons également du principe que la démission de François Hollande est impossible.
Restent donc deux options. La première consiste à mettre sur pied un gouvernement technique, d'ouverture, qui ferait la part belle aux centristes et à des personnalités "qualifiées" comme Pascal Lamy, Louis Gallois ou Jean-Claude Trichet. Mais de quels soutiens ce gouvernement new-look pourrait-il se prévaloir ? Le MoDem ne compte que deux députés à l'Assemblée nationale, et après l'intervention télévisée de François Hollande, Jean-Louis Borloo a radicalisé ses critiques contre le chef de l'État. Quant aux députés de base du PS, ils regarderont avec méfiance cet attelage technocratique. Au final ne demeure que le "bon vieux remaniement politique". Celui qui consiste à faire entrer des poids lourds (Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Gérard Collomb, voire François Rebsamen ou Ségolène Royal) autour d'une équipe resserrée de 15 à 18 ministres entièrement tournée vers trois objectifs socio-économiques (le chômage, le désendettement de la France et la reprise de la croissance).
Une solution "classique" pour une situation "exceptionnelle". La semaine qui commence sera celle de tous les dangers. Une étincelle peut allumer un brasier géant et difficilement maîtrisable. Toute initiative politique devra s'accompagner d'un mea culpa et d'une prise de parole forte et incontestable. Une ultime gageure ?
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