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A lire : Mihailovic (1893-1946). Héros trahi par les alliés

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Si les circonstances de sa mort demeurent entourées d'un halo de mystère et de secret, la vie de Draza Mihailovic, elle, est connue dans ses grandes lignes et même dans ses détails. Pourtant, jusqu'à la parution de cette biographie en 1999, peu de Français avaient entendu parler de lui. Parmi eux se distinguaient deux figures des lettres françaises : Georges Bernanos, qui écrivit, depuis son exil brésilien, toute la colère que lui inspira l'exécution du général thetnik, et Michel Déon. Dans Tout l'amour du monde, le romancier et futur Académicien évoquait "le visage émacié à la barbe de Christ (...) du général Mihailovic. Fusillé pour naïveté, fusillé pour sa foi, corps troué de balles pour que triomphe l'ordre marxiste, le paradis sur terre".
     Une autre personnalité respecta la mémoire de Mihailovic jusqu'à sa mort : le général de Gaulle. Sans doute parce qu'il lui ressemblait, parce qu'il avait connu, avant-guerre, les mêmes démêlés avec sa hiérarchie militaire incapable de comprendre ce que serait la nouvelle guerre d'Europe et parce qu'il aurait pu dire la même phrase que celle prononcée en avril 1941 par Mihailovic en réponse à un villageois qui l'interrogeait sur la récente capitulation de l'armée yougoslave : "Capitulation ? Je ne connais pas ce mot. Je sers dans l'armée depuis de nombreuses années, mais je n'ai jamais entendu ce mot."
     Le 2 février 1943, le général français cita à l'ordre de la France combattante l'autre homme qui avait dit "non", le qualifiant à cette occasion de "héros légendaire, symbole du patriotisme le plus pur et des vertus militaires yougoslaves les plus grandes". Au printemps 1944, en apprenant l'éviction définitive de Mihailovic du gouvernement yougoslave en exil sous la pression de son ami Churchill, Charles de Gaulle n'hésita pas à se dire "ému et révolté par l'abandon d'une organisation de résistance particulièrement courageuse et efficace". Cette attitude vis-à-vis de son "frère d'armes", il ne s'en départit jamais jusqu'à sa mort, refusant à plusieurs reprises de rencontrer Tito dans les années 1960 alors que le leader des pays non alignés incarnait assez bien la ligne géopolitique gaullienne louvoyant entre Etats-Unis et URSS. Lorsque Tito venait en France, de Gaulle s'octroyait soudain quelques jours de repos loin de l'Elysée ; lorsqu'il était invité à Belgrade, il envoyait son Premier ministre le représenter.
     Contrairement aux dirigeants anglo-saxons, le général de Gaulle n'a jamais oublié ce que le monde libre devait à Mihailovic. Le 9 mai 1941, tandis que toute l'Europe continentale vivait sous le joug nazi, il fut le premier homme à lancer un mouvement de guérilla militaire active contre les armées d'occupation : à cette date, le pacte germano-soviétique étant toujours en vigueur, aucune structure communiste européenne ne s'était lancée dans une activité de résistance antinazie. Grâce à l'efficacité et la détermination des tchetniks, Hitler fut contraint d'envoyer plusieurs divisions en Yougoslavie pour mater cette rébellion inattendue. Le temps perdu à cette occasion lui coûta cher. Reportée de cinq semaines, l'opération "Barbarossa" ne fut lancée que le 22 juin 1941 et la Wehrmacht ne parvint aux portes de Moscou qu'à la fin de l'automne, au moment des premières neiges et des premières glaces en Russie. On connaît la suite...
     De même, les nombreuses opérations de sabotage tchetniks des routes et des lignes ferroviaires yougoslaves, reliant le centre de l'Europe et Salonique, empêchèrent les troupes de Rommel de recevoir à temps suffisamment de renforts et de matériels pour faire face aux contre-offensives britanniques en Afrique en 1942-1943. L'échec de l'Afrikakorps est indiscutablement imputable aussi à la résistance monarchiste yougoslave. 
     Malgré ces faits d'armes décisifs, Churchill choisit dès la conférence de Téhéran fin 1943 de parier sur Tito. D'abord parce que les rapports qu'il recevait depuis Le Caire sur l'état de la résistance antiallemande dans les Balkans l'incitaient à le faire : noyautés par des espions communistes recrutés par trois membres de la fameuse "bande des quatre" - Philby, Burgess et MacLean -, les services secrets britanniques ne mentionnaient que les exploits des Partisans et assuraient que les Tchetniks entretenaient les meilleurs rapports du monde avec les troupes d'occupation italiennes et allemandes. Ensuite parce que le Vieux Lion britannique était sans doute persuadé que Tito lui serait reconnaissant après-guerre et accorderait un peu de place à l'influence britannique en Yougoslavie. Mensonges des uns, cynisme et aveuglement des autres eurent ainsi raison de Mihailovic.
     Du partage de l'Europe décidé avec Staline en Iran puis à Yalta, Mihailovic et ses tchetniks furent les victimes malheureuses et héroïques : ce n'est qu'un an et demi après la libération de Belgrade par l'Armée rouge et l'accession des communistes au pouvoir en Yougoslavie que le général monarchiste fut capturé, puis jugé et condamné à mort malgré les protestations de la déjà impuissante "communauté internationale".
     Le 17 juillet 1946, Mihailovic était exécuté à Belgrade au nom d'une certaine idée de la Yougoslavie : antinazie, anticommuniste, libre, royale.

Jean-Christophe Buisson, Mihailovic (1893-1946). Héros trahi par les alliés

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