Ces rappels sont suivis d'un commentaire qui évite la leçon d'instruction civique primaire genre : "Quand on a la chance de jouir du droit de vote, la liberté vous fait obligation, etc..." - et admet que "l'asbtentionnisme peut revêtir des interprétations contradictoires". Outre "le reflet d'une passivité ou d'une négligence des citoyens peu intéressés par la vie publique", le refus de voter peut "revêtir un caractère actif et militant" et ressortir à "un acte politique conscient et motivé". Sa signification ? "Un refus de choisir, une hostilité envers les hommes politiques, en compétition ou envers les règles de fonctionnement du régime". Nombreux sont les Français que scandalise la teneur des propos couramment avancés sur le prétendu progrès qui nous entraîne, et les programmes qu'il commanderait - lesquels évoluent de la chimère égalitariste la plus obscène à la négation de notre histoire et à la mise à mal impie des fondements de notre société. N'en reste pas moins que, désinvolture ou refus circonstanciel sinon rejet fondamental, l'un et l'autre aspects de l'abstention traduiraient (le conditionnel est de La documentation française) "une crise de la représentation" et "un affaiblissement de la légitimité du pouvoir politique élu".
La Documentation française s'interroge sur cette "crise de la représentation". S'agit-il d'une "remise en cause de la démocratie" ? "La dimension contestataire que revêt l'abstentionnisme ne concerne pas la seule représentation politique, mais également les représentations syndicales et professionnelles." Or, la France ne semble pas, comme nombre de pays, "démocratiques" ou non, connaître le désintérêt de ses citoyens pour les affaires publiques. On n'y note pas de "déclin de l'expression des mécontentements (grève, manifestations...)" ; on y assiste au "développement des forums de discussion sur Internet", à des "mobilisations transnationales antimondialisation, organisées également via le net". Et le respectable organisme émet l'hypothèse d'une "mutation de la participation politique" qui pourrait "déboucher sur de nouvelles pratiques de la citoyenneté". L'abstention, "loin d'être une remise en cause de la démocratie", traduirait une volonté de la faire évoluer. Faut-il "changer les règles du jeu" ? La Documentation française suggère que la première manifestation de cette évolution pourrait être de donner satisfaction à l'importante "partie de l'électorat" qui réclame "la comptabilisation des votes blancs dans les résultats des élections".
Cette suggestion n'est pas une nouveauté. Des amendements allant dans ce sens ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale ; ils entendent modifier l'article L. 66 du Code électoral. Ce n'est pas la première fois. Le 5 décembre 2005, à propos d'un amendement dudit article, le rapporteur Alain Ferry (apparenté UMP) expliquait : "L'amendement vise à une plus grande reconnaissance du vote blanc aux élections. (...) Selon un sondage IFOP, 60% des Français y sont favorables. L'absence de prise en considération de ce choix électoral démontre l'inadaptation de notre droit électoral. Le vote blanc est, à mon sens, un acte civique positif, qui marque à la fois la volonté de participer à un scrutin, en quoi il se différencie de l'abstention, et le refus de choisir entre les candidats en lice. Il a valeur en soi et doit être considéré comme l'expression d'une volonté. Ne pas le reconnaître, c'est accepter d'aggraver le phénomène abstentionniste et de favoriser le vote de mécontentement". Ce n'était que demi-mesure, car le rapporteur poursuivait : "Sans aller jusqu'à l'assimilation des bulletins blancs à des suffrages exprimés, il convient de leur donner un minimum d'existence juridique en les distinguant du vote nul. Au regard du suffrage universel, il est important que le vote de l'ensemble des électeurs qui se présentent au bureau de vote soit pris en compte".
Xavier Walter, Vote blanc : le sens aujourd'hui, Les cahiers de l'indépendance n°3