Une société capricieuse qui ne sait plus vivre sans le « tout, tout de suite », une société addictive : sexe, porno, alcools, drogues, une société infantilisée et assistée à l’extrême ou tout refus entraîne colère de type infantile, appel à l’injustice, accusation de racisme, d’homophobie…, une société qui vit dans le temps accéléré des mass médias et de la surconsommation, une société sans âme et sans intériorité, une société sans identité, sans pères ni repères parce que, comme un adolescent, elle s’est rebellée contre toute forme d’autorité, clamant sa liberté de s’auto-définir en dépit de tout cela.
Notre société ressemble à bien des égards à un adulte qui n’aurait pas grandi, un adulte resté immature. Mais me direz-vous, qu’est-ce que l’immaturité finalement ? Car vous n’en citez là que les effets.
Une multitude d’aspects
L’immaturité résulte d’une capacité qui n’a pas été portée à son plein épanouissement. Ainsi en fonction des tendances et des capacités, on distingue : immaturité intellectuelle, immaturité affective, immaturité du sens critique, immaturité professionnelle, immaturité sexuelle, etc…
Il y a toutefois une hiérarchie entre toutes ces formes d’immaturité. L’immaturité intellectuelle et l’immaturité affective, qui affecte respectivement les capacités humaines de connaître et d’aimer (et donc de choisir. Aimer appelle à choisir), sont génératrices des autres formes d’immaturité.
En outre, de la même manière que les actes de connaître et d’aimer s’entremêlent et s’intensifient l’un l’autre (ex : plus on connaît plus on aime ou moins on aime. On ne peut non plus aimer ce qu’on ne connaît pas) de même l’immaturité intellectuelle engendre l’immaturité affective, et l’immaturité affective rend plus difficile l’épanouissement intellectuel.
Quels sont donc les causes et les effets de ces deux formes d’immaturités ? Pour traiter de ces questions nous nous appuierons sur la pensée et les travaux du psychanalyste Tony Anatrella (sur son livre : Interminables adolescenceséd. Cerf, Paris, 2002 ; sur sa conférence Les clés de l’engagement affectif du 14 janvier 2011) ainsi que sur les travaux du Dr. Charles-Eric HAUGUEL de l’Institut catholique de Paris.
1 - L’immaturité intellectuelle : L’immaturité intellectuelle est un manque de connaissance intellectuelle pour faire un choix ; elle se caractérise par une absence d’appréciation critique, un défaut du jugement.
Le Dr. Hauguel écrit à ce sujet : «L’immaturité intellectuelle ou de jugement, est une carence plus ou moins grave du sens critique et de la conscience morale des valeurs fondamentales que tout choix exige. De fait, la personne est incapable de faire un choix libre et responsable. L’immaturité affective et l’immaturité intellectuelle sont étroitement liées car la sphère affective est en constante interaction avec la sphère intellectuelle » (in l’Immaturité psycho-affective, Médecine et droit canonique, Année universitaire 2011-2012)
Les causes de cette immaturité sont une carence dans la formation et/ou l’apprentissage. De même certaines personnes pour d’autres raisons que celles-ci sont hermétiques à l’apprentissage. C’est le cas des adolescents qui, en plein changement intérieur ou présentant une forme d’addiction par exemple, ne peuvent recevoir pleinement ce qui leur est dit en cours.
2 - L’immaturité affective : Les traits caractéristiques de l’immaturité affective nous sont donnés par l’observation clinique des psychiatres et des psychologues. Les principaux sont :
- - Dépendance affective (dépendance tout court !),
- - Limitation de l’intérêt à sa propre personne (narcissisme),
- - Intolérance aux frustrations et agir infantile : les personnalités immatures veulent tout, tout de suite. - refus de l’engagement : vivre dans l’immédiateté, le registre de la nouveauté permanente,
- - la croyance qu’on peut vivre dans un monde sans limite, ou tout semble possible, sans avoir affronté les réalités de l’existence dans un engagement.
- - le repli sur le virtuel qui risque de nous mettre en marge du réel au bénéfice de l’imaginaire, de vivre son existence à travers des écrans qui enferment dans le narcissisme, dans la suffisance de soi et de son ressenti.
Les causes de l’immaturité affective sont nombreuses. Elles peuvent être internes ou externes :
Une des causes internes est selon Anatrella le non-dépassement de la figure parentale, c’est-à-dire l’incapacité de se définir en tant qu’un « je » autonome et responsable. De même l’absence de repères éthiques et de lois morales entre dans la liste des facteurs internes à l’individu.
Les causes externes sont essentiellement les chocs émotionnels qui entraînent un retard dans le développement de la personnalité et peuvent altérer les facultés de jugement et de décision. Ils déstructurent l’affectivité, l’identité profonde de la personnalité. De même le monde audiovisuel et virtuel sont souvent facteur d’immaturité affective car selon Tony Anatrella « l’image et le son, par leur intensité et la charge émotionnelle qu’ils véhiculent, empêche la personne de prendre du recul et d’intérioriser ». Ils empêchent même, à trop haute dose, toute vie intérieure, toute construction de ce jardin intérieur où s’élabore et s’entretient une juste amitié et une juste considération pour soi-même. Mais comment vivre sans eux ? Comment faire des projets sans eux ?
3 - Finalement la maturité c’est :
La maturité est atteinte quand le sujet est autonome, non plus soumis à « des luttes internes inhibantes », continue le psychanalyste. L’identité sexuelle est acquise et constante. « Les appareils mentaux sont stabilisés et protègent l’intégrité des structures de la personnalité »écrit-il ailleurs, reprenant le Professeur Blos.
En un certain sens la maturité est une acquisition constante car il n y a rien en l’homme qui soit acquis définitivement. Il est clair à mon sens que devenir mature c’est grandir dans « l’être », développer toute la richesse des capacités : de celles qui sont inhérentes à la nature humaine comme de celles qui sont propres à chaque personne singulière semblable à nulle autre. Cela a pour conséquence de démultiplier les conséquences dans le « faire», dans l’agir.
Une société qui se comporte en immature, engendre des immatures
Tout ce que je viens de vous dire sur l’immaturité n’avait qu’un seul but : mettre en lumière le fait que notre société possède toutes les caractéristiques de la personnalité immature mais qu’en plus elle est inapte à engendrer des personnalités stabilisées :
1 - Notre société se comporte en immature :
Comme l’immature :
Elle est intolérante aux frustrations : par exemple les lois ne deviennent plus le fruit d’une réflexion murie du législateur mais celui d’une foule déchaînée, criant à l’injustice en même temps que la liste de ses droits, par un événement quelconque. De même elle veut jouir ici et maintenant, le préservatif et la pilule ont été inventés pour cela finalement. Grâce à eux plus d’entraves au « tout, tout de suite ».
Elle se noie dans un individualisme étouffant : tous les moyens sont mis en œuvre et remboursés pour s’éviter l’arrivée de gêneurs potentiels que sont les enfants. Les femmes crient au droits des femmes, les homos au droit des homos, les lycéens crient au droit des lycéens etc., etc…
Avec la loi sur le pacs, notre société avait déjà rendu légale une forme d’immaturité et avait du même coup favorisé son expansion. Et cela a eu pour conséquence de favoriser le développement des chocs émotionnels sur les individus et donc de favoriser l’immaturité. J’en veux pour exemple ces enfants qui ne se remettront jamais de la séparation de leurs parents même si les magazines féminins affirment qu’un divorce peut être « réussi » !
Mais la liste est beaucoup trop longue pour tenir en un seul article.
2 - Notre société engendre des immatures :
Au niveau de l’individu notre société n’aide aucunement à ce que les capacités humaines soient portées à leurs épanouissement, au contraire elle entrave leur développement par des principes éducatifs erronés : les pédagogies du laisser-faire, héritage de l’Émile de Rousseau ne permettent pas à l’enfant de construire sa personnalité autour de repères stables. Elles le laissent perdu et désorienté, sans savoir dans quel sens ordonner tendances, pulsions et capacités.
Avec la théorie du genre, elle a interdit l’accès de l’identité sexuelle à qui tenterait de s’en approcher. Elle empêche ainsi la maturité sexuelle de poindre.
Notre société entraîne les individus à l’immaturité intellectuelle, et donc affective. Plus d’études d'œuvres classiques où l’adolescent pouvait y découvrir le fonctionnement de la nature humaine, s’initier à la psychologie, trouver des « images –phares » qui l’aident à définir ce qu’il est, à quoi il aspire. A la place il est prié d’étudier « Zazie dans le métro » pour le bac de français. Si tant est que cela soit possible.
Là encore un article n’est pas suffisant pour dresser la liste de tous les pièges pervers que tend notre société à qui tente de se construire. Et longue est la liste des maux qui affligent ceux qu’elle est parvenue à piéger.
Si l’on juge un arbre à ses fruits, il nous faut admettre que notre société est malade : du cœur, de l’âme et de l’esprit. Et à mon sens le remède qu’il lui faut en tout premier est une intense dose d’humilité intellectuelle car en voulant faire de l’homme un dieu qui s’autodétermine, elle est devenue un véritable Enfer !
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