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L'avion ne pourra pas atterrir à Notre-Dame-des-Landes, le pilote délire

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Les "pigeons" de droite sont nourris au grain, mais ceux de gauche n'avalent que des couleuvres. Et j'ajoute une remarque avant de passer à mon sujet : sur le plan économique, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ou NDDL) est une immense escroquerie qui donne une concession de plus à Vinci, maître des autoroutes, des parkings et autres déserts de béton, où les pertes sont publiques et les bénéfices privés. C'est une sorte de "leasing" que propose Vinci à l’État. Or, vous savez qu'en leasing, une voiture, par exemple, coûte à la fin deux à trois fois plus cher que si on l'avait pris à crédit. Mais venons-en aux aspects techno-aéronautiques. 

De la piste au trafic
En premier lieu, il y a la piste. L'efficacité de celle de l'actuel aéroport est contestée par les partisans de NDDL, parce que proche du centre et orientée nord-sud (piste 03-21, c'est-à-dire 30 degrés nord, 210 degrés sud) alors que les vents dominants viennent de la mer, donc de l'ouest. On se demande pourquoi à l'origine la piste en terre, puis celle bétonnée lors de la Seconde Guerre mondiale ont été construites avec cette orientation. Mais elles étaient militaires et la raison des militaires... De toute manière, il serait facile de construire une deuxième piste est-ouest en travers, mais la Direction générale de l'aviation civil (DGAC) a toujours refusé d'envisager l'hypothèse. On peut là encore se demander pour quelle raison. Quant à la situation par rapport au tissu urbain, elle est celle de nombreux aéroports européens et français, tels les plus importants après Roissy-Charles-de-Gaulle (CDG), Orly et Nice. La sécurité n'est pas menacée et en tout cas, elle reste à un niveau bien supérieur à celle de l'aéroport niçois par temps pluvieux ou par vent d'ouest (mistral). En outre, les aéronefs modernes supportent des vents de travers importants (80 km/h) - sinon, du reste, le trafic de passagers ne serait pas actuellement en augmentation (légère) à NDDL. Le trafic, justement, parlons-en. Il faut comprendre que la prospective du trafic aéronautique dans les pays anciennement industrialisés, États-Unis et Europe, est actuellement en révision à la baisse, surtout en termes de vols. Le nombre de mouvements aujourd'hui en Europe et aux États-Unis est inférieur à celui de 1998, et le niveau à Nantes, après avoir baissé, est en 2011 revenu à peine au-dessus de celui de 2000. En termes de nombres de passagers, la situation est différente, mais loin de correspondre aux évaluations optimistes du début des années 2000. La prévision de l'augmentation du trafic passagers européen entre 2010 et 2020 est seulement de 40% en plus, et cela sans une éventuelle crise du pétrole, alors qu'en 2008, on estimait qu'il doublerait. Les avions sont mieux remplis mais ils sont moins nombreux à voler ! Or, pour accueillir plus de passagers il suffirait d'agrandir l'aérogare. 

Au-delà des limites de l'absurde
Certes, les partisans de NDDL soutiennent l'idée d'un "hub" ("moyeu", en anglais) qui ferait de cet aéroport le troisième aéroport parisien, longtemps en projet et abandonné en raison précisément de la faible croissance du nombre de mouvements. Le "hub" est un modèle venu des États-Unis dans les années 1990 et qui vise à capter au centre les flux de la périphérie. Ainsi, un Suédois de Stockholm qui veut aller à New York passera par Paris si on lui offre un prix alléchant. La concurrence est féroce en ce moment sur ce plan, avec le risque de faillites de grandes compagnies comme Iberia ou SAS. CDG est loin d'être saturé, que des Chinois ou des Américains vont débarquer à Nantes pour aller à Paris, en prenant un bus pour la gare de Nantes, plus éloignée de NDDL que de CDG du centre-ville parisien, et ensuite mettre plus de trois heures en train pour arriver à Montparnasse ? Et avec un coût supplémentaire important. De ce point de vue, on atteint les limites de l'absurde. Certes, des compagnies continuent à faire du "point à point" mais elle proposent essentiellement du low cost (quoique Southwest Airlines, une des plus grandes compagnies américains et une référence en matière de low cost, n'a jamais utilisé le modèle du hub) et cela ne peut suffire à alimenter un "aéroport du Grand Ouest" car la population concernée est de 0,7 million d'habitants, alors que Lille, par exemple, a un bassin de 2,2 millions d'habitants. Et Rennes, la plus proche grande ville, se trouve à près de 100 km de NDDL. 
     Bien d'autres aspects encore, moins directement techniques, sont tout aussi déconcertants de bêtise. Pourquoi deux pistes en V avec l'aérogare au milieu ? Une piste bien orientée suffirait largement pour le trafic prévu. Mais encore, lorsqu'on nous dit que la vente des terrains de l'aéroport actuel est censée payer une partie de la facture, c'est un mensonge absolu. En effet, l'activité de l'usine Airbus de Bouguenais, en bout de piste, dépend de l'arrivée des porteurs de pièces d'assemblage, les gros avions ventrus Belugas. Cette usine est en pleine expansion, elle a embauché plus de 250 personnes l'année 2012. La fermeture de l'aéroport la condamnerait, ce qui est impensable.
     Je ne reviendrai pas sur les aspects économiques de ce cadeau fait à Vinci, à savoir cette "délégation de service public" avec la curieuse embauche par ce même Vinci du préfet, à la retraite, qui a mis en place l'enquête d'utilité publique en 2007-2009 et qui a, de fait, préparé la "délégation". La question est plus largement posée dans le cadre d'une relative récession, non d'une expansion du trafic aérien en Europe, et de la forte concurrence dans le cadre de ce libéralisme délirant, que promeut la gouvernance européenne, au moment même où la décroissance devient une réalité. 

La Décroissance N°95

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