D'un point de vue pratique, comment ferme-t-on une centrale nucléaire ? Reste-t-elle dangereuse après sa fermeture et que deviennent les matières radioactives qu'elle contenait ?
La matière radioactive a une décroissance naturelle, plus ou moins rapide et certains éléments sont plus ou moins nocifs. On utilise donc cette décroissance pour organiser les phases de démantèlement. A chaque type de déchet correspond un mode de gestion. Schématiquement 90% des déchets sont des déchets "vie courte", ils perdent la moitié de leur radioactivité en 30 ans. En 300 ans la radioactivité est proche de la radioactivité naturelle, c'est le temps de la gestion d'une forêt. Ils sont aujourd'hui stockés définitivement en surface dans des centres dédiés. Les 10% restants sont les plus radioactifs et demandent plusieurs milliers d'années pour être proches de la radioactivité naturelle. C'est le temps du combustible nucléaire qui une fois utilisé est le plus radioactif. On le retire après quelques jours du réacteur pour le refroidir plusieurs mois dans la piscine des combustibles. L'eau qui recouvre les gaines en métal du combustible nucléaire offre une protection contre les radiations qui permet aux opérateurs de circuler autour de la piscine. Une fois refroidi il est retraité à l'usine de la Hague pour récupérer les matières énergétiques que sont le plutonium et l'uranium et fabriquer à nouveau du combustible nucléaire. Les déchets issus du retraitement sont stockés provisoirement dans des puits en béton à la Hague. Ces déchets représentent depuis les années 1970 l'équivalent de 2 piscines olympiques. Ce sont donc des volumes très faibles mais très radioactifs qui devraient bénéficier d'un stockage géologique à l'horizon 2020, à proximité du site de Bure - laboratoire de recherche souterrain Meuse/Haute Marne - à la suite d'un processus de concertation engagé depuis 1991. Pour résumer, le démantèlement ne pose pas de problèmes techniques majeurs, la difficulté est d'obtenir un optimum sanitaire et économique en intégrant la décroissance et le risque radioactif suivant les différents composants de la centrale nucléaire.
"La France peut-elle sortir du nucléaire ?", entretien avec Pierre-Franck Chevet, Regards sur l'actualité n° 373