Pour Noël, les Magasins U ont distribué un catalogue où la plupart des clichés sexistes sont inversés. D'autres enseignes spécialisées dans le jouet préfèrent elles abandonner les sections «filles» et «garçons» au profit de pages thématisées et unisexes.
Un petit garçon qui tient dans ses bras un poupon et joue à faire la cuisine, une petite fille qui s'amuse avec une voiture télécommandée ou une grue... le catalogue de Noël des Magasins U a agréablement surpris plusieurs parents, qui n'ont pas manqué de partager leur contentement sur les réseaux sociaux. Exit les pages «garçons», remplis de jeux d'aventures et d'imaginaire, et les pages «filles», dévolues aux activités maternantes, ménagères et de séduction (maquillage, coiffure, bijoux); ici, les clichés sont détournés. «On avait pour tradition de mettre dans nos prospectus des garçons qui font du bricolage et des filles qui jouent à la dînette. Mais plusieurs parents nous ont fait remarquer que ça ne se passait pas forcément comme ça chez eux», explique-t-on chez les Magasins U. «Ça nous a fait réfléchir, et on a décidé de mettre en scène ces situations dans notre catalogue.» Mais l'enseigne de moyennes et grandes surfaces retoque tout militantisme. «On a écouté une demande de notre clientèle. Nous sommes avant tout des commerçants!»
Catalogues «garçons/filles» ou catalogues thématiques
La question des catalogues de jouets sexistes interpelle depuis plusieurs années associations féministes, égalitaristes mais aussi simples parents. «À l'heure où, dans la société, les femmes ont conquis certaines sphères professionnelles et politiques réservées aux hommes, pourquoi les jouets continuent-ils de refléter une division si archaïque des rôles sociaux?», s'interrogeait en 2006 l'association Mix Cité, qui a organisé de nombreux happening dans les magasins de jouets au cours des dernières années et rencontré à ce propos la Halde en 2010. Les choses ont-elles changé aujourd'hui? Un coup d’œil aux catalogues de Noël actuellement distribués dans les boîtes aux lettres montrent que les pages «filles» et «garçons» ont encore la cote dans les prospectus des hyper et supermarchés. A contrario, les enseignes spécialisées dans le jouet ont évacué ces pages au profit d'un découpage thématique: jeux d'extérieur, d'imitation, de constructions, créatifs... «Cela fait dix ans que nous étudions cette problématique», explique au Figaro Franck Mathais, directeur des ventes et des relations clients chez La Grande Récré. Pour cette grande enseigne, le prospectus des Magasins U n'est pas un exemple à suivre. «On pose un regard d'adulte sur des problèmes d'enfants. Or, l‘enfant veut faire comme à la maison et imiter ses parents. Il va reproduire ce qu'il voit. Chez lui, son père peut faire la vaisselle et sa mère le bricolage, ou bien l'inverse. Du coup, nous préférons nous adresser à l'enfant, dans le catalogue comme en magasin, de manière universelle, et non segmentante. Un aspirateur sera présenté comme une activité unisexe, et pas réservée aux filles ou aux garçons», détaille Franck Mathais.
Des jouets d'imitation unisexes
Dans cette optique, l'enseigne a développé la gamme de jouets Tim&Lou, qui propose aux enfants des jouets d'imitation unisexes. Le bleu et le rose sont bannis au profit de couleurs neutres, comme l'orange, le violet ou le vert. Sur l'emballage, un garçon et une petite fille sont dessinés «en situation». Ainsi, la caisse à outils met en scène Tim avec une perceuse et Lou avec un marteau. «C'est une gamme nationale, disponible uniquement dans notre réseau, qui monte en puissance depuis plusieurs années», explique le responsable de La Grande Récré. Mais selon lui, il sera difficile de voir les géants du jouet, qui ciblent un marché mondial où on ne se pose pas forcément les mêmes questions sur les relations hommes-femmes, fabriquer des jouets similaires. «Nous avons répondu à une problématique nationale avec cette gamme.» Toutes les activités peuvent-elles être «désexualisées» de la même manière que le bricolage ou le ménage? Pour Franck Mathais, tout dépendra de l'évolution de la société. Actuellement, les activités de pouponnage sont les plus difficiles à ouvrir aux garçons. «On ne peut pas dire aux garçons de “jouer à la maman”, ce n'est pas logique. Il faudrait les faire “jouer au papa”. Mais ça veut dire quoi? Ça reste très flou et très nouveau. Pouponner son enfant reste encore une tâche majoritairement féminine. Nous sommes à l'écoute des parents et des enfants pour faire évoluer nos gammes, mais cela ne se fera que très lentement, au rythme de la société.»
Source Le Figaro