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Les agriculteurs polonais résistent ! 1/2

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Depuis plus six mois, les agriculteurs polonais manifestent dans un silence médiatique complet. Contre l'accaparement des terres et la diffusion des OGM, ils revendiquent un modèle paysan localisé, basé sur des petites exploitations familiales. Ce refus de se laisser manger par l'agriculture industrielle a de quoi horrifier l'Union européenne.

En France, nous avons très peu d'informations sur les protestations paysannes actuelles. Pouvez-vous décrire ce mouvement ?
Jadwiga Lopata et Julian Rose : Les fermiers de la voïvodie de Poméranie occidentale (région du nord-ouest de la Pologne) ont commencé à manifester début décembre.Des administrations sont occupées, principalement à Szczecin, le chef-lieu de la voïvodie et la septième plus grande ville du pays. Mais les paysans manifestent aussi dans six autres régions de la Pologne (qui en compte seize), et des actions de soutien sont organisées ailleurs. Plusieurs milliers d'agriculteurs sont actuellement investis dans cette lutte.
Ils ont découvert que le gouvernement était en train de planifier la vente des terres qui appartiennent à l’État, terres que les paysans cultivent pour l'heure en fermage. Les surfaces agricoles seront cédées à des multinationales ; mais comme leurs noms ont été tenus secret, il est difficile de déterminer exactement de quelles entreprises il s'agit, ni de savoir dans quels pays elles sont implantées. De grandes industries sont déjà établies dans la région, avec des capitaux danois, hollandais, allemands et anglais.

Les terres risquent-elles d'être concentrées dans un petit nombre de mains, ce qui menacerait les agriculteurs actuels ?
La concentration des terres risque bel et bien de s'accentuer. Et ces "mains" qui les possèderont ne seront pas polonaises : elles ne seront même pas humaines. Il s'agit d'entités industrielles qui ne sont pas animées par d'autres buts que le profit et le pouvoir. Ce processus d'accaparement des terres a déjà lieu. A certains endroits, 40% à 50% des surfaces agricoles sont monopolisées par des capitaux étrangers. Quant aux terres appartenant à l’État, les agriculteurs qui les louent actuellement n'ont pas les moyens de les acheter aux prix demandés par le gouvernement. Ces prix sont tirés à la hausse par les intermédiaires de la grande industrie, qui négocient avec le gouvernement.

Les manifestants s'opposent également à la culture des OGM et revendiquent le droit de vendre leurs produits localement.
Ces ventes de terres sont liées à la dernière loi sur les semences, effective depuis le 28 janvier. Après des années de pression de la Coalition internationale pour protéger la campagne polonaise, le gouvernement a pris une décision qui, selon ce qu'il clame haut et fort, constituerait une interdiction des produits génétiquement modifiés. Or la mesure qu'il a prise est censée empêcher la plantation des semences génétiquement modifiées, mais non pas leur commerce. Il s'agit là d'un subterfuge. Le gouvernement polonais a tissé des liens étroits avec la Commission européenne. Il n'a nullement l'intention de s'opposer aux directives de Bruxelles, qui imposent un "marché libre" des organismes génétiquement modifiés dans le pays. L'Union européenne demande aussi d'établir des zones dédiées à la culture d'OGM, pour mettre en place l'exploitation commerciale des semences. Les terres que le gouvernement veut céder aux multinationales peuvent être utilisées par les grandes entreprises dans ce but. Elles pourront produire et vendre des produits génétiquement modifiés, au cœur de la campagne polonaise ; par exemple faire pousser du maïs OGM dédié à l'alimentation du bétail - en utilisant pour cela le travail polonais bon marché - pour alimenter le marché mondial. Et cela permettra au gouvernement polonais de se tenir du bon côté de la loi européenne. La Coalition internationale pour protéger la campagne polonaise et la Coalition pour une Pologne sans OGM ont alerté les agriculteurs autant sur les dangers des OGM que sur la nécessité d'organiser un système juste de commerce local. Pour l'heure, la relocalisation de la production et de la consommation de produits agricoles est étouffée par les normes sanitaires et d'hygiène, qui rendent difficile la transformation sur place des produits agricoles et les ventes directes.
Les agriculteurs ont transmis ces revendications au gouvernement. Leurs trois principales demandes sont :
  • mettre fin à l'accaparement des terres résultant de la collusion entre le gouvernement et les grandes entreprises étrangères ;
  • interdire, par la loi, la culture et le commerce de l'OGM ;
  • se défaire des normes qui empêchent la vente locale de produits de qualité "faits à la ferme".

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