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Pourquoi certaines sociétés s'effondrent-elles ? 2/2

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     Si chaque situation est unique, une cause fréquente de l'effondrement des sociétés dans l'histoire est la convergence de plusieurs de ce cinq facteurs. Ces problèmes affaiblissent la société et provoquent des troubles internes voire des guerres civiles. Rapidement, des envahisseurs externes profitent de ces faiblesses pour l'attaquer et la détruire. 
     Le problème le plus fréquent est la raréfaction des ressources, souvent provoquée par la croissance de la population et par ses habitudes non durables. Dans les sociétés agraires, il s'agissait de la raréfaction de l'eau potable, de la raréfaction de la nourriture, du bois ou d'autres matériaux essentiels. Les villages et les villes qui s'établissaient originellement à des endroits qui disposaient de beaucoup de ressources - comme des terres fertiles, une rivière poissonneuse, un forêt giboyeuse, etc. - voyaient leur population prospérer et s'accroître, utiliser de plus en plus de ressources et travailler de plus en plus de terres agricoles, coupant les arbres, polluant les rivières, tuant tout le gibier et pêchant tous les poissons. Avec le temps, du fait d'un trop grande pression démographique sur les terres travaillées pour produire suffisamment de nourriture, celles-ci se dégradent, s'érodent, s'appauvrissent ou se désertifient. La productivité faiblit. Le prix d'accès aux ressources s'accroît rapidement car il faut aller les chercher de plus en plus loin, ou bien il faut financer des guerres pour aller piller les ressources d'autres peuples. 
     Le coût de maintenance d'une société en expansion devient vite trop élevé.C'est le cas de tous les empires décrits par Paul Kennedy dans son célèbre livre Naissance et déclin des grandes puissances et par Joseph Tainter dans The collapse of complex societies. Les empires étendent leur puissance sur des territoires afin de contrôler des ressources, mais le coût des empires augmente aussi. Il y a des voies d'approvisionnement de plus en plus longues qu'il faut sécuriser, des frontières à surveiller, des bases et des garnisons régionales qui doivent être maintenues contre la volonté des populations locales, et enfin des opérations de police contre les récalcitrants qui doivent être menées. Une bureaucratie vite immense attise les convoitises, ce qui crée un culture de la corruption, des luttes de pouvoir à tous niveaux, et augmente encore les coûts et la résistance à tout changement.
     C'est exactement ce qui s'est passé pour les Empires romain, chinois, ottoman, britannique, soviétique et pour l'Empire américain d'aujourd'hui. A terme, si ces coûts deviennent prohibitifs, c'est-à-dire s'ils coûtent plus cher en énergie qu'ils en rapportent, la population commence à subir les effets des carences en ressources. C'est à ce moment que la plupart des sociétés entrent en guerre avec leurs voisins pour s'approprier les ressources qui leur font défaut. 
     Les conflits démarrent souvent lorsque les populations commencent à penser qu'elles ont des objectifs différents de leurs voisins, et qu'il est devenu socialement acceptable de résoudre les conflits par la force.La violence devient d'autant plus courante que les besoins réels des populations ne sont plus couverts et si les traditions culturelles et ethniques l'encouragent. Se mettent alors en place des facteurs culturels bien connus qui banalisent la violence et la focalisent sur une cible identifiée : sentiments de supériorité, dévalorisation des autres, autoritarisme, culture monolithique, idéologie dogmatique, etc. Parfois des guerres civiles, consciemment ou non, permettent de réguler à la baisse le niveau de population. L'exemple du génocide de 1994 au Rwanda est édifiant. Il fut généré par la combinaison de crises écologiques (surpopulation et baisse de ressources agricoles), économiques (faim et inégalités) et politiques (guerres civiles, etc.) et un équilibre interethnique bousculé. Les meurtres de masse furent les plus grands là où les régions étaient les plus pauvres. 
      Enfin, la baisse de la résilience constitue un autre facteur à prendre en compte. Une société trop aisée, trop peu habituée aux souffrances et aux efforts physiques et intellectuels, se corrompt et émousse ses réflexes. Elle ne sait plus valoriser ce qu'elle a obtenu avec trop de facilité. Elle tend à créer une culture narcissique, matérialiste et oisive qui génère une jeunesse de moins en moins compétitive uniquement préoccupée par sa jouissance immédiate.
     Le coup de grâce est souvent provoqué par un changement d'équilibre quelconque. Désemparées, débordées, ces civilisations abandonnent la lutte et se désagrègent totalement pour enfin disparaître. 

Si tout cela vous rappelle une civilisation proche de chez vous, c'est que vous avez compris la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Dans le temps long, sur les 200 000 ans d'existence humaine, l'ère industrielle actuelle n'est qu'un petit moment. La mécanisation nous a permis de croître et de consommer des ressources renouvelables et non renouvelables à une vitesse non durable. Alors que ces ressources arrivent à leur fin et que les écosystèmes majeurs commencent à s'écrouler, nous avons réuni les conditions de l'effondrement de la société industrielle globale.

C'est la tempête parfaite qui s'approche.

Survivre à l'effondrement, Piero San Giorgio

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