Pour la troisième nuit de suite, une banlieue de Stockholm, où vit une importante population immigrée, a été le théâtre de violences entre des jeunes et des policiers. Des affrontements qui mettent à mal le modèle d'intégration suédois.
Une trentaine de véhicules incendiés, un commissariat attaqué, deux écoles et un centre culturel endommagés. Pour la troisième nuit consécutive, des affrontements ont eu lieu, mardi soir, entre des jeunes et la police, à Stockholm. Huit personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre.
Alors que les nuits précédentes, ces affrontements s’étaient cantonnés à la seule banlieue nord, ils se sont depuis propagés à d’autres zones, à l’ouest et au sud de la capitale suédoise. "J’ai peur que cela s’aggrave. Cela va devenir comme en France", a ainsi témoigné un habitant du quartier de Kista dans le journal "Aftonbladet".
"Des vagabonds, des singes et des nègres"
Cette flambée de violence a débuté dimanche soir dans le quartier de Husby, où 80 % des 11 000 habitants sont des immigrés de première ou deuxième génération. Selon les médias suédois, ces heurts seraient liés à la mort, le 13 mai, d’un homme abattu par la police alors qu’il brandissait une machette.
Sa nationalité n’a pas été précisée par les forces de l’ordre, mais les habitants auraient perçu son décès comme un nouvel exemple de brutalité policière. L’association Megafonen, qui représente les jeunes des quartiers de Stockholm, affirme également que les policiers ont mis le feu aux poudres avec des comportements racistes. Ils auraient traité des habitants de "vagabonds, de singes et de nègres".
"Ce n’est pas la première fois que quelque chose de ce genre arrive et ce ne sera pas la dernière. Il arrive ce genre de réactions quand il n’y a pas d’égalité entre les gens, et c’est le cas en Suède", a ainsi expliqué Rami al-Khamisi, le porte-parole de Megafonen au journal "The Local".
Une image "erronée" de la social-démocratie suédoise
Mais, pour Jenny Andersson, chercheuse au CNRS et aux Centre d'études européennes de Sciences Po, le motif racial doit être envisagé avec précaution. "Il n’est pas confirmé que la police a employé des expressions racistes. Ce qu’on sait pour l’instant, c’est qu’un homme de 69 ans a été abattu de plusieurs balles car il était dans un état mental compliqué et qu’il menaçait sa femme et des policiers", précise-t-elle à FRANCE 24.
Cette spécialiste de la Scandinavie note toutefois que l'image d’une social-démocratie suédoise parfaite et égalitaire, fondée sur un État-providence généreux, est bien "erronée". Les tensions sont de plus en plus fortes dans les banlieues des grandes villes suédoises comme Stockholm, Göteborg ou encore Malmö : "Cela est moins grave qu’à Paris, mais il y a une population qui se sent rejetée du reste de la société et du marché du travail. Les inégalités se creusent, le taux de chômage atteint jusqu’à 80 % dans certains groupes d’immigrés".
Selon Jenny Andersson, l’échec de la politique d’intégration trouve ses racines dans les années 1990. "À l’époque, la Suède a fait face à une grave crise économique et, en même emps, on a eu une arrivée importante d’immigrés venus notamment de Somalie et de Yougoslavie. Ces gens ont eu du mal à s’intégrer dans le marché du travail qui était en crise", décrit la chercheuse. La politique du logement de l’époque est aussi responsable de la ghettoïsation de certains quartiers : "Il existe autour des grandes villes une concentration ethnique importante dans les banlieues. Ces quartiers manquent aussi de services importants, comme des banques ou des commerces, ainsi que de rénovations".
Montée des extrêmes
Malgré ces tensions, le gouvernement conservateur suédois a assuré que la situation des immigrés dans le pays s’améliorait. Interrogé lors d’une conférence de presse, le Premier ministre Fredrik Reinfeldt a rappelé mardi que le chômage et les crimes avaient chuté dans le quartier de Husby au cours des sept dernières années. Le chef du gouvernement s’est toutefois montré ferme face aux émeutiers : "Nous avons un groupe de jeunes qui pensent qu’ils peuvent changer la société avec la violence. Je veux être très clair : nous ne sommes pas d’accord. Nous ne serons pas dirigés par la violence".
Mais le gouvernement conservateur ne doit pas seulement s’inquiéter des émeutes dans certaines banlieues. Surfant sur ces troubles et sur l’échec de la politique d’intégration, le parti nationaliste et anti-immigration Démocrates suédois gagne des voix dans l’opinion. Il pointe actuellement à la troisième place dans les sondages en vue des élections législatives qui auront lieu en septembre 2014.
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