Malgré la validation de la loi Taubira par le Conseil constitutionnel, une prochaine manifestation nationale est prévue dimanche à Paris.
"Hollande, fais ton sac ! Fais comme Cahuzac !" Ce jeudi 16 mai, sur le coup des 19 heures, presque un millier d'opposants au mariage gay envahissent la place de la Sorbonne. Fumigènes et pétards retentissent. Brandissant leurs drapeaux bleus et roses, les manifestants sifflent et hurlent leurs slogans : "Hollande, ta loi, on n'en veut pas !" ou "CRS, serre les fesses, Pierre Bergé te tient en laisse !" Des "Hommen" aux visages masqués de blanc arborent fièrement leurs torses nus où l'on peut lire l'inscription "Mai 2013"écrite au gros feutre noir. Tous ont répondu à l'appel du collectif Français en révolte, issu des rangs de La Manif pour tous.
L'objectif ? Reprendre le Quartier latin, symbole de Mai 68, pour protester contre la loi Taubira et appeler à un "Mai 68 à l'envers". Bilan de la soirée : 24 manifestants interpellés par les CRS. D'une voix cassée, Maxime V. , étudiant en droit, explique les raisons de sa présence en citant un article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." Et de conclure : "Hollande nous méprise et nous ignore. Pour un enfant, il vaut mieux un père et une mère. On n'en peut plus de cette idéologie de Mai 68 qui fait crever la France."
La génération JMJ aux manettes
Les manifs contre le mariage gay - qui durent depuis sept mois - annoncent-elles un "contre-Mai 68" ? "On a une génération qui accède à la maturité politique et qui a une volonté de prendre le contre-pied des valeurs de Mai 68. C'est quelque chose qui infuse dans la société et que Nicolas Sarkozy a insufflé pendant son quinquennat", décrypte le politologue Jean-Yves Camus. La génération Y de 2013 rêve en effet de combattre le système culturel dominant : elle veut changer cette société "libertaire, gangrenée par l'individualisme et le relativisme". Pour le député UMP Nicolas Dhuicq, qui s'est joint plusieurs fois aux manifestants, cette mobilisation traduit "la peur d'une démocratie qui touche à ses invariants culturels et qui peut amener à un système totalitaire". Le pape Jean-Paul II ne disait pas autre chose quand il prévenait : "Une démocratie sans valeur peut se transformer en totalitarisme sournois." De fait, la génération JMJ lancée par le défunt pape polonais est bien aux manettes de ce combat. Les jets de pavés contre les forces de l'ordre dans le Quartier latin et la grève généralisée ne sont donc pas pour demain. "Ce mouvement n'est pas porteur de radicalité et ne recherche pas un affrontement terminal avec l'État. Parler de contre-Mai 68 est une facilité de langage", insiste le politologue Pascal Perrineau. Et Aymeric Lockhart, jeune analyste financier de 28 ans, d'approuver : "On ne peut pas employer les mêmes méthodes qu'en 68 puisque nous ne voulons pas détruire, mais reconstruire."
La Manif pour tous tient ses troupes en haleine
Depuis l'automne, des milliers de jeunes âgés de 18 à 30 ans sont en "campagne permanente" contre le mariage gay. Ils s'appellent Aymeric, Maxime, Marc, Sébastien ou Marie. Ils sont étudiants ou jeunes professionnels, plutôt catholiques et de droite. Ils battent le pavé pour la première fois, s'éveillent à la politique et rêvent d'un "contre-Mai 68". Tous sont convaincus d'avoir "rendez-vous avec l'histoire", car cette loi sur le mariage gay votée le 23 avril entraîne "un changement de civilisation". Ils se sentent "méprisés" par François Hollande et vomissent les journaux télévisés qui les caricaturent en "fascistes". Pour le politologue Pascal Perrineau, "ces manifestations contre le mariage gay révèlent la capacité du peuple de droite à se mobiliser dans la rue sous forme de mouvement social". Et de poursuivre : "Cela traduit le désarroi des électeurs par rapport au cap suivi par François Hollande depuis un an. Ce mécontentement est réel, ce n'est pas une colère de papier." Dimanche 26 mai, une nouvelle manifestation nationale, animée par l'égérie Frigide Barjot, est prévue à Paris.
L'ultramobilisation des manifestants ne semble pas près de faiblir. Le collectif de La Manif pour tous fait le maximum pour tenir ses troupes en haleine. Mi-septembre, les bénévoles seront conviés à une université d'été. Et tous ont en tête l'agenda politique concernant les questions familiales, déjà très chargé : la réforme du quotient familial et des allocations familiales, l'inscription de la théorie du genre dans le programme scolaire ainsi que la prochaine loi sur la famille avec la question de la procréation médicalement assistée pour les couples gay. "On continuera le combat de façon déterminée et sur tous les sujets", promet Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous.
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