Les chefs d'entreprise pointent du doigt des formations initiale et professionnelle inadaptées à leurs besoins.
En ces temps de chômage de masse, les entreprises peinent paradoxalement à recruter. 400.000 à 600.000 postes seraient ainsi vacants en France. «Ces difficultés ne concernent pas seulement l'hôtellerie-restauration ou des métiers pointus, comme les soudeurs, mais touchent tous les secteurs», alerte Jean-Eudes du Mesnil, le secrétaire général de la CGPME. «J'ai des problèmes pour embaucher des cuisiniers, mais aussi pour trouver les managers de mes ateliers, notamment en région», abonde François Bergerault, dirigeant de l'Atelier du Chef (cours de cuisine). «Certes, nos horaires sont atypiques. Mais ces postes offrent aussi de multiples intérêts: encadrement d'une équipe, gestion des comptes, relations avec les clients», ajoute-t-il. Dans un tout autre secteur, le conseil en systèmes d'information, Stanislas de Bentzmann, PDG de Devoteam et vice-président de CroissancePlus, dresse le même constat. «Depuis des années, il est difficile de recruter des ingénieurs. La pénurie est structurelle. Mais désormais, nous peinons aussi pour trouver des comptables confirmés ou des commerciaux».
À l'origine de ces situations ubuesques: la mauvaise adéquation de la formation, initiale ou continue, aux besoins des entreprises. «Il ne sort pas assez de jeunes des écoles hôtelières. À Paris, nous subissons en outre la concurrence des palaces, qui attirent le peu de chefs cuisiniers à coup de salaires mirobolants», témoigne François Bergerault.
«Pôle emploi est plus à l'écoute des désirs des chômeurs que des besoins des entreprises»
Les politiques sont conscients du problème. Mais pour l'instant, ils ne se sont pas attaqués aux déficiences de l'Éducation nationale. La Cour des comptes l'a encore rappelé mercredi dans un rapport cinglant. L'actuel gouvernement a lancé une nouvelle réforme de l'université et a programmé celle de la formation professionnelle. Reste à savoir s'il fera mieux que l'équipe précédente, qui s'était déjà emparée de ces sujets.
Les chefs d'entreprise pointent également du doigt le système d'indemnisation du chômage, qui n'inciterait pas assez à la reprise d'emploi. «Des progrès ont été réalisés récemment, notamment en matière de droits rechargeables (conservation en cas de retombée au chômage des droits à indemnisation après une embauche). Mais ils ne sont pas suffisants», estime Jean-Eudes du Mesnil. Les patrons dénoncent aussi un certain état d'esprit. «J'ai parfois l'impression que Pôle emploi est plus à l'écoute des désirs des chômeurs que des besoins des entreprises», juge François Bergerault.
Cette difficulté à recruter a des conséquences néfastes pour les entreprises: «les équipes en place doivent assumer des surcroîts de travail. Et vous pouvez rater des marchés par manque de commerciaux», déplore Stanislas de Bentzmann. Un vrai gâchis…
Source