Depuis Fukushima au Japon, de nombreuses voix s'élèvent pour demander la sortie du nucléaire civil en France. Nicolas Sarkozy, a de son côté réaffirmé la pertinence du choix nucléaire. Néanmoins, sur le fond, est-ce une perspective envisageable pour la France qui est l'un des pays les plus nucléarisés, sinon le plus nucléarisé ? Et dans quel délai ?
Cela représente non seulement une perspective envisageable mais également une opportunité. Il nous faut en effet désormais amorcer une transition énergétique qui soit fondée sur deux grands axes. Le premier consiste à réduire la demande énergétique par une politique de sobriété et d'efficacité énergétique et le second à recourir à des énergies de flux et non plus uniquement à des énergies de stock. Les produits énergétiques sont en effet issus de sources d'énergie existant dans la nature qui appartiennent à deux grandes familles : les sources d'énergie de stock, extraites de la croûte terrestre (pétrole, charbon, gaz naturel, et uranium), et les sources d'énergies de flux, les énergies renouvelables (biomasse, hydraulique, éolien, solaire, et géothermie). Les pays industrialisés pourraient ainsi assurer cette sobriété énergétique avec des énergies de flux renouvelables. Les pays émergents et en développement pourraient alors augmenter leur consommation d'énergie sur la base de ce modèle plus sobre, sans avoir recours à la prédation de ressources énergétiques de stock.
Les énergies renouvelables sont souvent présentées comme une alternative à l'énergie nucléaire. Sont-elles vraiment une solution crédible en termes de coût de capacité de production aujourd'hui ? Quels sont les freins à leur développement ?
Tout d'abord les énergies renouvelables ne sont pas les seules énergies alternatives à l'énergie nucléaire. Une politique fondée sur une véritable maîtrise de l'énergie consiste à produire moins d'énergie, et donc à en proposer moins, sans pour autant diminuer le service énergétique. A NégaWatt, on distingue le service énergétique de la consommation d'énergie. Le service énergétique consiste à se recentrer sur le service rendu par l'énergie, sur un usage de l’énergie sobre mais suffisant. Ainsi, pour l'éclairage d'un bureau, il s'agit d'avoir le juste niveau d'éclairage sur le plan de travail mais pas nécessairement dans la totalité du bureau ou encore dans les couloirs qui pourraient être éclairés par un système d'éclairages automatiques. Nous avons généralement des consommations d'énergie complètement surdimensionnées par rapport à l'usage que l'on en fait. Il ne s'agit pas de se rationner. A qualité de vie identique, voir même supérieure, grâce à l'aménagement de certaines machines, la consommation d'énergie peut diminuer. Dans ce cadre, les énergies renouvelables peuvent occuper une place plus importante.
En France, nous disposons d'un gisement formidable d'énergies renouvelables sans équivalent en Europe et totalement sous-exploité. Il existe un potentiel très important au nord et au sud de la France en matière solaire pour la production de chaleur thermique, en matière de production photovoltaïque notamment. Notre pays détient le 2e gisement européen pour l'éolien et de très bons gisements en termes de biomasse et d'hydraulique. Il n'est donc pas irréaliste de dire que notre production d'énergie électrique pourrait être bientôt assurée à base d'énergies renouvelables, et ce d'autant plus que l'électricité ne représente que 21% de l'ensemble de notre consommation énergétique. Les vrais problèmes concernent la mobilité, etc.
En ce qui concerne les coûts, on peut retenir trois éléments. Le coût du nucléaire parait très faible car il ne tient pas compte d'un certain nombre de charges futures comme les coûts des déchets à long terme, le démantèlement de centrales, les investissements liés à la rénovation de centrales d'un certain âge ou encore leur équipement en matière de sécurité (notamment pour les piscines, point faible de la sécurité des centrales). Ensuite, au niveau des énergies renouvelables, les courbes d'apprentissage, dans le solaire et dans l'éolien notamment, montrent une tendance à la baisse des coûts au fur et à mesure du développement de la recherche et de la production d'énergie en grande quantité. Les coûts sont, en fait, encore plus bas que ce que l'on imaginait. C'est notamment le cas de l'énergie photovoltaïque. Inversement, la courbe d'apprentissage du nucléaire est descendante, l'effet de taille et de masse ne joue plus. Les coûts augmentent d'un côté et baissent d'un autre, les courbes risquent donc de se croiser assez rapidement. Ainsi, l'énergie nucléaire (dont le coût est, rappelons-le, sous-évalué) va rapidement être déclarée plus onéreuse que les autres types d'énergie.
L'énergie éolienne se rapproche actuellement en termes de compétitivité du nucléaire et le prix de l'énergie photovoltaïque baisse également considérablement. Ces deux types d'énergie sont par ailleurs complémentaires : la première peut servir à une production de masse avec des équipements importants (machines et parcs éoliens), tandis que le solaire a l'énorme vertu d'être utilisable même sur de petites surfaces (à partir de 10m²). Un des freins au développement de l'éolien est le refus de certaines associations de voir s'installer des parcs éoliens. Il faudrait donc avoir des parcs plus coopératifs, gérés par des sociétés industrielles spécialisées et propriétés de la collectivité au sens d'une communauté d'agglomération, ou d'une communauté de communes, comme c'est le cas en Belgique, en Hollande, ou encore en Allemagne. En France, les blocages sont d'ordre culturel et liés à l'ingénierie financière. Les gens pourraient alors s'approprier leur énergie, non seulement en baissant leur consommation mais également en maîtrisant leur production. C'est une des clés du scénario proposé par NégaWatt, la re-territorialisation de l'énergie qui est actuellement trop hiérarchisée et pyramidale en matière de production nucléaire.