Dans quelle mesure peut-on dépasser les indications actuelles de la procréation médicalement assistée (PMA), réservée aux couples hétérosexuels souffrant d'infertilité diagnostiquée ? C'est la question qu'entend lancer le CCNE, avec un grand débat citoyen à l'automne prochain.
Ce n'est pas à cause du mariage pour tous, mais de l'annonce par le gouvernement d'une loi sur la famille qui incluerait le remaniement de l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA), que le Comité consultatif national d'éthique, en début d'année, s'est auto-saisi du sujet, sur lequel il rendra son avis à l'automne. Entre-temps, il a annoncé l'organisation d'un grand débat citoyen sous la forme d'Etats généraux, comme le prévoit la loi sur un dossier touchant à la bioéthique.
L'angle d'abord est large. C'est ce qu'a expliqué hier le président du CCNE, Jean-Claude Ameisen, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) - qui a pour mission d'être l'interloctueur du monde scientifique, afin d'informer et d'éclairer le Parlement. "La question générale touche au rôle de la médecine, et à la mission que souhaite lui confier la communauté ; à savoir si elle est requise seulement pour intervenir face à la maladie, ou si elle peut répondre à des demandes de société". Il y a déjà des précédents, a-t-il noté, comme celui de la chirurgie esthétique. "La différence avec la PMA, c'est que c'est une médecine qui n'implique pas seulement le demandeur, mais aussi un tiers, l'enfant. La société se doit donc de réfléchir".
La demande de couples de femmes, voire d'hommes, d'accéder à la PMA, en dehors d'indications à proprement parler "médicales" suppose en réalité de revisiter tout le système de la PMA, comme l'a relevé avec insistance le président du CCNE. Car la demande sociétale n'est pas le monopole des couples homosexuels. S'y ajoute la demande de femmes jeunes de conserver leurs ovocytes alors qu'elles sont célibataires, en vue d'une procréation assistée ultérieure, à un âge où elles auront perdu leur fertilité. La question de l'anonymat du don de gamètes mérite également d'être reposée, dans un contexte où, pour un couple homosexuel, connaître le donneur prendrait une signification en termes de filiation.
La ligne de crête sur laquelle se fonde le système de la PMA est d'épauler le désir d'enfant sans basculer dans le droit à l'enfant. D'après J-C Ameisen actuellement, "l'assistance à la procréation n'instaure pas à un droit à l'enfant mais entend prendre en compte l'intérêt de celui-ci; en témoigne par exemple le fait qu'il est imposé aux parents de faire la preuve de leur vie commune". Le système n'est pour autant pas complètement cohérent. "Je constate simplement, et je m'interroge, sur le fait que d'un côté une femme célibataire puisse adopter, mais pas recourir à la PMA, et que de l'autre, un couple doive être marié pour adopter, mais pas pour recourir à la PMA. Ainsi il y a déjà aujourd'hui plusieurs façons de définir ce qui fait l'intérêt de l'enfant !" Et d'ajouter : "Chaque fois qu'il est question d'enfant, il y a des mécanismes implicites de sélection des couples qui se mettent en oeuvre. Ils méritent d'être au moins rendus publics, et discutés."
Jean-Claude Ameisen n'a pas non plus occulté la question financière. "S'il s'agit non pas de médecine mais de l'extension d'actes médicaux qu'on juge importants, faut-il alors prévoir pour eux une prise en charge solidaire? Sachant que dans le cas inverse, on sait bien qu'il y aura une discrimination par l'argent...", a pointé le médecin.
Les Etats généraux sur l'AMP se tiendraient en octobre et novembre, et réuniraient pendant plusieurs week-end un panel représentatifs de citoyens, et des experts. Des débats dont le CCNE rendra compte par un rapport, sans manquer de publier par ailleurs son propre avis, ces deux documents étant destinés à éclairer le législateur.
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