Il paraît que cette manif du 26 mai devait être la manif de trop. Il ne fallait surtout pas emmener les enfants, c’était bien trop dangereux, les groupuscules d’extrême droite — les fameux groupuscules d’extrême droite — allaient sévir, l’initiatrice du mouvement elle-même tordait d’ailleurs le nez et se tâtait quant à savoir si elle devait s’y rendre, et surtout, cette manif n’avait aucun sens et ne servait à rien puisque les dés étaient déjà jetés.
Eh bien dites donc, pour une manif inutile et dangereuse, il y avait une foule monstre. Une foule monstre d’inconscients masochistes ou sadiques profitant vicieusement de la fête des mères pour venir mettre en danger leur famille… Ou une foule monstre déterminée devenue imperméable au bourrage de crâne et aux menaces. Une foule monstre pour laquelle il y aura un avant et un après « Manif pour tous ». Une foule monstre, dont peu à peu, au fil des décomptes truqués, des pétitions ignorées, des votes bâclés, des gazages, des matraquages et des arrestations sommaires, les yeux se sont dessillés.
Une foule monstre qui a fait connaissance avec la calomnie et l’injustice, mais aussi avec la fierté de se battre vent debout pour ses valeurs. Une foule monstre qui a perdu en innocence mais gagné en courage. Une foule monstre qui ne se laisse pas intimider, ni par le gouvernement, ni par telle ou telle personnalité qui chercherait à se l’approprier ou la récupérer.
Une foule monstre qui déferlait comme un rouleau compresseur, ce dimanche sur les Invalides et dont on peut parier qu’elle a pris goût à l’action, à la satisfaction de pouvoir enfin l’ouvrir et qu’elle pèsera de façon forte et certaine sur la vie politique française des prochains mois.
Une foule « monstre » au sens propre du terme, car elle doit sa genèse au docteur Frankenstein-Hollande : si l’intelligence du gouvernement n’avait pas été aveuglée par son idéologie, il aurait évidemment, de façon rusée et pragmatique, offert en apparence aux opposants un semblant de visage démocratique, tenté de tendre une main ici, de faire une concession là, pour endormir les réticences des plus modérés et dégonfler les effectifs.
Son invraisemblable intransigeance n’a fait au contraire que fédérer, consolider, renforcer la résistance.
Après la manifestation, des incidents ont éclaté entre des « perturbateurs » et les forces de l’ordre, mobilisées en masse (qui ont, au passage, gazé les Veilleurs qui ne perturbaient rien).
Parce que le gouvernement croit peut-être que le danger vient de là ? Sans se rendre compte que la foule « monstre » va inéluctablement se retourner, comme dans l’histoire de Mary Shelley, contre l’apprenti sorcier qui lui a donné vie ?
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