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A l'extrême gauche : "tout est permis"

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Aussi curieux que cela puisse paraître, c'est bien dans le discours majoritaire de l'extrême gauche que se trouvent condensés les principes qui justifient le mieux cette évolution. A quels indices peut-on repérer cette participation inconsciente de l'extrême gauche au mouvement global de libéralisation de nos sociétés ? On la remarque, essentiellement, à cette propension typique du discours d'extrême gauche à dévaluer et à discréditer systématiquement toute figure de la verticalité et toute relation privilégiée à l'immatériel et au transcendant, au nom même de la lutte anticapitaliste. 

Ce qu'il est intéressant de noter, c'est qu'à aucun moment on ne trouvera cette idée formalisée comme telle dans le discours de l'extrême gauche. C'est seulement à la lumière de l'analyse de ses différentes prises de position sur toutes les thématiques (sur le libéralisme) que transparaît la logique horizontalisante (c'est-à-dire libéralisante) de l'extrême gauche. Prenons quelques exemples. Sur l'autorité et le rapport à la notion de "hiérarchie", on sait que la position de l'extrême gauche est claire et inflexible : l'autorité représente en tant que telle une oppression sur l'individu et une négation de son être et de ses droits fondamentaux, contraire aux principes de liberté individuelle et d'égalité. 
Au sujet du rapport du sacré, on le sait : "la religion est l'opium du peuple", il n'existe "ni Dieu ni maître", ce qui permet d'ailleurs de signaler, comme l'a écrit Dostoïevski, que "si Dieu n'existe pas, alors tout est permis". Ce qui est une assez bonne nouvelle pour les libéraux ! Car dès lors que l'homme n'a plus de compte à rendre à aucune instance transcendante que ce soit, qu'on l'appelle "Dieu" ou le "surmoi", c'est-à-dire ceux qui refusent d'admettre l'existence d'une réalité supramatérielle, bien que cela revienne objectivement au même, dès lors que l'homme est seul, c'est-à-dire dé-lié (la religion étant étymologiquement ce qui "relie"), alors tout est effectivement permis. En ce sens, la désacralisation précède la permissivité, et la société permissive, c'est-à-dire "libérale-libertaire" de type cohn-bendiste, apparaît alors comme l'horizon idéologique de cette désacralisation.

Prenons un autre exemple : le rapport à la tradition. Dans le livre qu'il est supposé avoir écrit, Olivier Bensancenot définit le modèle familial traditionnel comme le terrain d'exercice privilégié d'une violence symbolique et d'une reproduction de l'ordre social dominant (notamment par le biais de la division sexuelle), et dans lequel suprême hérésie !, "les petites filles jouent à la dînette et les garçons s'intéressent aux voitures". Or, toujours selon l'ancien président du Nouveau Parti Anticapitaliste, ce modèle apparaîtrait comme le plus adapté au règne du capitalisme marchand. Petite incise en forme de question : si le modèle familial traditionnel - le père, la mère et les enfants, je suppose - est effectivement un montage normatif destiné à pérenniser le système d'exploitation capitaliste, doit-on considérer que l'augmentation du taux de divorces et l'augmentation du nombre de familles monoparentales représente un signe encourageant du déclin de l'emprise des dogmes libéraux sur la population ? Autrement dit, la dislocation de la famille est-elle quelque chose dont un militant anticapitaliste doit se réjouir ? 
Dernier exemple : sur la question de la sexualité, toujours selon Olivier Besancenot, pour qui, on le sait, le système éducatif apparaît comme définitivement inadapté et intrinsèquement pervers, donc qui invalide, je suppose, la compétence particulière du corps professoral à transmettre un enseignement de qualité aux "jeunes" : "Les cours d'éducation sexuelle ne devraient pas être simplement des cours sur la reproduction : des groupes de parole doivent permettre d'informer, d'échanger, avec du personnel compétent, sur les différentes formes et pratiques de la sexualité. Le cheminement vers la maturité érotique restera conditionné tant que l'école ne brisera pas les tabous."Comprenons : l'école est illégitime, dans son essence, à incarner la transmission du savoir (en histoire, en grammaire, en mathématiques), sauf sur l'emploi du préservatif. Pour couronner le tout, je ne résiste pas au plaisir de vous dévoiler cette perle : il y a quelques mois de cela, un atelier-conférences s'est tenu au sein du NPA, à l'intérieur duquel un débat avait été organisé autour de la "signification sociale de l'usage des sextoys". Atelier dont il est ressorti que "les perspectives de luttes sont donc nombreuses et des revendications ont émergé : remboursement des sextoys, réquisition des entreprises et contrôle ouvrier dans les boîtes productrices de sextoys ! Homo, hétéro, à un, à deux ou à plusieurs, sextoys addicts ou non, unissons-nous !" Voilà pour les exemples les plus probants de cette inscription de l'extrême gauche dans ce que j'appelle la logique d'horizontalisation propre au déploiement du libéralisme. 

La Décroissance N°98, Charles Robin, qui vient de publier Le libéralisme comme volonté et comme représentation

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