Qu’est-ce qu’on fait ? Plus de six mois de mobilisation, une demi-douzaine de manifestations et au final : une loi, dont nous ne voulions pas, a été votée par les parlementaires, confirmée par le Conseil constitutionnel, promulguée par le chef de l’État. Sur le terrain du mariage gay, nous avons perdu, il faut bien le dire. Quant à penser qu’une nouvelle majorité reviendra sur ce texte, j’avoue mon scepticisme.
Une défaite donc, mais qui pourrait augurer d’un vrai changement et, pourquoi pas, d’une victoire à plus long terme. Je m’explique. Tout le monde est d’accord : à l’occasion de cette bataille contre le « mariage pour tous », une génération de militants est apparue, des questions qu’on osait à peine formuler ont été posées, des intellectuels jusque-là confinés à des cénacles d’initiés ont rencontré un public bien plus large.
Bref, les conditions sont réunies pour se lancer et gagner cette bataille d’idées, indispensable préalable à tout vrai bouleversement, ce « Mai 68 à l’envers » que beaucoup appellent de leurs vœux. Si nous ne voulons pas que cette formidable mobilisation ait été totalement vaine, il nous faut donc d’urgence poser les questions qui, sans réponses, nous vouent à un échec certain.
En vrac : peut-on combattre le laisser-faire moral sans s’en prendre au laisser-faire économique ? Quel équilibre entre l’individuel et le collectif ? Quid des rapports entre progrès et nature ? Entre la loi et la morale ? Entre libertés individuelles et projet collectif ? Entre la liberté et l’égalité ? Pour ne citer que quelques-unes de ces questions.
Il ne s’agit pas de s’enfermer dans un boudoir et s’interroger doctement sur le sens de la vie. Mais de se donner les outils intellectuels pour réussir ce que nous avons entamé, sachant, nous l’avons bien compris, que le mouvement de ces derniers mois dépasse de loin la seule question du mariage homosexuel.
La classe politique nous a donné une nouvelle preuve de sa totale incapacité à répondre à ces questions. Ses partis étant tout juste capables d’imaginer de minables stratégies de diabolisation ou, à l’opposé, de récupération. Il nous faudra donc compter sur nous et uniquement sur nous pour mettre fin à l’hégémonie idéologique de la gauche « libérale libertaire ». C’est le prix de la victoire des « valeurs classiques », de ce qu’on appellera, par commodité de langage, le parti de la nation, d’une droite des valeurs.
S’affirmer « réac», refuser le « mondialisme», plaider pour la France ne suffit pas. Il nous faut un nouveau bréviaire, une sorte de nouveau traité de savoir-vivre à l’usage de la génération de la Manif pour tous.
Depuis octobre dernier, Boulevard Voltaire accueille de multiples points de vue, sans œillères, sans exclusive. Alors continuons. À vos plumes. Ces idées à forger, à formuler et parfois à redécouvrir seront nos armes. Ce n’est qu’un début, continuons le débat.
Robert Ménard