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Requiem pour des lieux saints

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Démolition de l'église Saint-Jean-en-Grève, de Pierre-Antoine Demachy (1800). Détruit entre 1797 et 1800, l'édifice était situé derrière l'hôtel de ville. C'était dans cette église qu'étaient conservés les plus anciens registres paroissiaux de Paris.

 
L'attachement à la notion de défense du patrimoine est devenu si vif que, aujourd'hui, détruire un édifice religieux relèverait du sacrilège. Pourtant, au cours des siècles, les démolitions furent légion ! "Et pratiquement sans états d'âme ! affirme l'historien Pierre Pinon. Avec tout au plus une messe d'adieu en guise de rituel." 
     Une dizaine d'églises sur la seule île de la Cité, fort bien pourvue en la matière car très peuplée, quelques bâtiments anciens comme l'église des Saints-Innocents, dont l'origine remonterait à Philippe Auguste, des couvents par dizaines... Dans cet ensemble constitué depuis la Lutèce des origines, et qui s'est étoffé au cours des siècles, on rencontrait de petites paroisses aux noms bucoliques (Saint-Pierre-aux-Boeufs, Saint-Martin-des-Champs...) et des édifices majeurs, comme le Palais épiscopal, saccagé au cours d'une émeute en 1831 et rasé peu après. Ou encore le Temple, disparu à la fin du XVIIIe siècle. Certains ont gravé leur souvenir dans la toponymie, comme le cloître Notre-Dame, sis dans la rue du même nom. D'autres, dans la mémoire des Parisiens, comme le couvent des Jacobins (à l'emplacement de l'actuelle place du Marché-Saint-Honoré), où les membres du Club des amis de la Constitution se réunissait autour de Robespierre. 
     Le paysage a, lui aussi, gardé la trace de leur existence : en témoigne la tour Saint-Jacques, 52 mètres de gothique flamboyant, seul vestige de l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, fondée par Charlemagne, où reposait (pour l'éternité, croyait-il !) l'alchimiste Nicolas Flamel. Pourquoi cette tour-clocher subsista-t-elle après la destruction de l'église, en 1793 ? Peut-être parce que Pascal avait mené là ses expériences sur pesanteur de l'air. Ou bien parce que le contrat de vente de cet édifice religieux, devenu "bien national" à la Révolution, imposait au nouveau propriétaire d'en conserver la plus emblématique parure. 
     Étrangement, en cette période trouble, peu de bâtiments souffrirent de vandalisme. "Il n'y a pas eu de destruction idéologique", souligne Pierre Pinon. En fait, c'est le décret du 2 novembre 1789, les déclarant "biens nationaux", qui leur fit le plus de tort. Désaffectées, vidées de leurs occupants, nombre de possessions de l’Église furent vendues à des particuliers. Elles connurent, dès lors, diverses fortunes. Certaines moururent de leur belle mort, sous l'usure des siècles, comme l'église des Saints-Innocents, qui menaçait ruine. L'église des Billettes, quant à elle, devint un temple protestant. Saint-Barthélémy, dans l'île de la Cité, fut transformé en théâtre, puis en salle de bal ! Quant à la tour rescapée de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, elle abrita, au début du XIXe siècle, une fonderie de plombs de chasse, avant d'être dotée d'un phare puissant qui illuminait tout le quartier. 

L'express N° 3121

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