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"A legend is born" : les veilleurs face au Ministère de la justice

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C'est une course-poursuite inattendue qui s'est engagée dans la nuit de mercredi 4 à jeudi 5 juin, au cœur de Paris. Les "Veilleurs", ce mouvement qui a éssaimé dans toute la France, prônant une résistance pacifique à la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels, ont mené une charge étonnante. 

Leurs habituelles veillées parisiennes (c'était la seizième) se tiennent, autour de bougies, sur une place ou une esplanade, parfois au milieu des échauffourées opposant forces de l'ordre et manifestants. Ils lisent des textes d'Hugo, Jaurès ou Bernanos, écoutent l'un ou l'une d'entre eux jouer du violoncelle, entonnent le chant scout "L'Espérance". Un silence impressionnant régne entre les quelques dizaines ou centaines de participants, qui, pour applaudir, agitent les mains à la manière des sourds-muets. 

Ce mercredi, les veilleurs se sont réunis face à l'Institut de France. Les chants, les prises de paroles se sont succédées, faisant notamment état de la vague d'arrestations qui frappe les opposants à la loi Taubira, voire même les simples porteurs de sweat-shirts frappés du logo de La Manif pour tous. On parle des veillées à venir, de l'organisation d'une marche-relais à travers la France. Quelques politiques, comme Hervé Mariton, les rejoignent. Vers minuit, Axel, qui dirige la veillée, demande aux participants, au nombre d'un petit millier, de se préparer à faire mouvement. Ils se lèvent et le suivent en silence. 

Où vont-ils ? Ils longent les quais, traversent la Seine, accélèrent. Au milieu d'eux, quelques policiers en civil, manifestement dépassés, indiquent des directions contradictoires par leur oreillette. Un avocat met l'un d'entre eux en demeure de porter son brassard. Après une brève altercation, celui-ci s'exécute. Des CRS tentent de suivre par petits groupes, le cortège change à plusieurs reprises de direction, pour finalement s'approcher de la place Vendôme. Le pas se presse, c'est une vraie course qui s'engage entre les forces de l'ordre lourdement équipées et les 300 ou 400 jeunes qui se trouvent en tête. Ceux-ci parviennent à se regrouper et à s'asseoir... aux portes du Ministère de la Justice. Et d'entonner "l'Espérance". Les lectures reprennent, ponctuées par des chants. Pendant ce temps, les policiers font place aux CRS, qui encerclent le groupe. Les paniers à salade arrivent. 

Il est une heure du matin. Un policier entreprend de faire une première sommation pour disperser les manifestants, mais son mégaphone l'abandonne. Les veilleurs lui proposent le leur... Un autre mégaphone est apporté. Sommation. La jeune femme qui était en train de parler au micro s'interrompt pour répondre aux policiers : sont-ils vraiment là où est la violence ? 

Deuxième sommation "avant usage de la force". Des journalistes commencent à arriver. Médiatiquement, c'est un sacré coup, la nervosité des forces de l'ordre, pendues à leurs radio, le démontre assez. De l'une d'entre elles, on entend distinctement "Ceux qui ne partent pas, on les embarque." Dernière sommation. Axel invite ceux qui le souhaitent à se retirer. Une centaine de personnes se lèvent, et passent derrière le cordon de CRS, sans quitter la place, rejoignant un petit groupe de veilleurs qui n'avait pu arriver avant le verrouillage. Les CRS continuent d'arriver par dizaines, aménagent un corridor jusqu'aux paniers à salade, et refoulent les observateurs. Les Veilleurs demeurant au pied du Ministère, au nombre de 150 environ, annoncent qu'ils resteront jusqu'à deux heures, puis se mettent à lire un texte d'Aragon. 

Il est une heure et demi. L'ordre fuse "On va faire un rateau !" Les CRS prennent leurs dispositions, tandis qu'imperturbable, Axel entreprend la lecture d'un texte du philosophe Fabrice Hadjadj, "Pour un Manifeste des Émerveillés". Au loin, les veilleurs refoulés, rejoints par d'autres, entonnent "l'Espérance". Une fille offre une fleur à un policier

Les CRS ne bougent pas. Les minutes passent, une, puis deux, puis trente. Peu après deux heures, Axel annonce la dispersion dans le calme. Les veilleurs se lèvent, et quittent la place sans être inquiétés, rejoignant les quelques dizaines de personnes tenues à l'écart. Apparemment, aucune interpellation n'a lieu. 

Ne restent sur la place que les forces de l'ordre, et sur les murs, cette drôle publicité : "A legend is born".

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