La loi sur le mariage est votée, les manifestants qui continuent de s'y opposer sont de moins en moins nombreux : un peu de sagesse devrait vous conduire à calmer vos troupes lors des arrestations des anti-mariage.
Il est 20h30 samedi, je rentre de dîner avec un ami dans un restaurant du carrefour de l’Odéon. Nous marchons rue Saint-Sulpice quand, derrière nous, des cris, deux motos de la police à fond, une personne, un homme très jeune, court sur le trottoir. Il s’arrête fait demi-tour, reprend sa course. La première moto pile, fait demi-tour à son tour, monte sur le trottoir et fonce. La seconde la suit. On se dit, avec mon ami, qu’il s’agit d’un voleur de sac. Et que les policiers ont l’air très énervés.
Sur le même trottoir, courent vers nous deux autres jeunes hommes et une jeune femme puis ils s’arrêtent tous essoufflés. On leur demande ce qui se passe.
- «Une manif anti-mariage gay», nous dit un garçon, genre propre sur lui, souriant, pas du tout l’air d’un casseur.
Je lui demande pourquoi les flics… mais il n’a pas le temps de répondre, deux voitures de police, puis trois, foncent dans notre direction, bloquent le croisement avec la rue Mabillon. Tout va très vite.
Les policiers sortent des voitures, sautent sur un des jeunes, le ceinturent, le poussent brutalement vers une voiture. La fille sort son portable pour prendre une photo. Elle est immédiatement ceinturée et emmenée à son tour. D’une voiture banalisée sortent deux hommes, qui foncent sur un autre jeune, et le jettent par terre avec violence.
D’autres voitures passent à fond, freinent à mort, des policiers en sortent, attrapent d’autres jeunes.
Les passants s’émeuvent de ces comportements de cowboys. Je montre ma carte de presse, m’approche des voitures demande: «pourquoi les arrêtez-vous ? Qu’ont-ils fait ?». Pas de réponse. Je brandis ma carte devant les yeux du motard qui semble un peu le chef avec ses trois galons, mêmes questions.
Il s’approche très près, me parle les yeux furieux: «demandez au service de presse de la préfecture, nous n’avons rien à vous dire». J’insiste, demande s’ils ont cassé quelque chose… «Demandez au service de presse» et comme je me retourne pour essayer de poser les mêmes questions à d’autres, il me poursuit, sans me repousser et ni me toucher, mais avec un ton qui monte.
Les voitures partent. D’autres jeunes viennent me voir, ils m’ont vu poser des questions, je dis que je suis journaliste. Un certain Maxime me raconte qu’ils étaient une centaine à aller manifester devant le Conseil constitutionnel, puis ont traversé le Louvre et se sont retrouvés place Saint-Michel en montant vers le Sénat.
Là, les CRS les ont bloqué. Certains ont alors descendu la rue de Tournon et c’est là que la police est entrée en action pour, ce que je comprends, les poursuivre et les arrêter. Course des manifestants, virage à gauche dans la rue Saint-Sulpice, où je les vois.
Combien sont-ils ? Une dizaine ou une vingtaine, sans doute, âgés de 18-22 ans. La manif n’est pas autorisée ? Sans doute. Parmi les manifestants contre le mariage gay il y a des militants d’extrême droite qui savent habilement faire de la provocation ? Et des homophobes. Sans doute aussi.
Mais là, une poignée de jeunes a peur, et court pour échapper aux flics qui, eux, font preuve d’une violence complètement hors de propos et se plaisent à faire les cowboys dans la rue. Tous les passants sont choqués de la disproportion.
Je raconte cet épisode pour arriver à ceci : messieurs Hollande et Valls, vous venez en un quart d’heure de perdre une centaine d’électeurs dans un quartier où vous avez de nombreux sympathisants. Les jeunes qu’on pourchasse dans le quartier latin qu’on arrête pour les envoyer à «Beaujon» et les ficher, me rappellent mes années Pompidou. Apprenez donc Manuel Valls, que la matraque c’est la «contingence» sartrienne, celle qui vous fait voter, pour des décennies, contre le pouvoir qui cogne.
Tout ça inutilement Monsieur le ministre de l’intérieur. La loi est passée, il ne sont que cent à manifester, leur nombre diminue. Un peu de sagesse devrait quand même vous conduire à calmer vos troupes qui, elles, on le sait depuis toujours, ne se refusent jamais un rodéo. A Odéon comme en Seine-Saint-Denis.
Monsieur Hollande, ne soyez pas le Georges Pompidou de gauche. Ne laissez pas la haine contre vous s’installer dans la jeunesse de droite. Ce n’est pas ce que vous souhaitiez. Ce n’est pas votre genre. C’est un très mauvais résultat politique.
Libérez ces jeunes au plus vite et rangez vos flics.
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