En Égypte, la population chrétienne autochtone (les Coptes orthodoxes, ultra-majoritaires, mais aussi des catholiques) représente 10% de la population totale, mais pèse peu dans les rouages de l’État. Au Parlement, seuls deux députés sur 444 sont coptes... L'article 2 de la Constitution de 1971, modifiée en 1980, fait de l'islam "la religion de l’État dont la langue officielle est l'arabe, les principes de la charia constituant la source principale de la législation".
En plus des vexations quotidiennes pour beaucoup d'entre eux et un quasi-statut de dhimmis, les Coptes doivent affronter depuis quelques années une radicalisation violente d'une partie de la population musulmane à leur encontre. Durant le mois d'octobre 2005, de véritables pogroms antichrétiens se déchaînent. Lors de la prière du vendredi, des prêches sont lancés qui appellent les croyants à combattre les chrétiens et à venger l'humiliation des musulmans - ils auraient notamment été humiliés par divers écrits ou productions théâtrales illustrant la conversion de musulmans au christianisme. Les manifestants brûlent des évangiles, saccagent des églises, incendient maisons, hôpitaux et écoles.
Le 19 octobre 2005, un islamiste poignarde une religieuse copte en pleine rue à Alexandrie. Selon une dépêche de l'AFP, elle n'est que "légèrement blessée" ; pourtant, la malheureuse succombera quelques jours plus tard à ses blessures.
Les Coptes sont désemparés devant la montée de l'intolérance islamique et devant l'inaction de la police et de l'armée. Des jeunes femmes coptes sont enlevées pour servir d'esclaves à des maîtres musulmans, et la justice ne semble guère s'en préoccuper. Aux persécutions s'ajoute la répression des conversions au christianisme. Le 6 avril 2005, un cheikh musulman, Ahmed Hussein El-Akkad, est emprisonné parce qu'il s'est converti au christianisme. Après dix-huit de prison et un refus constant d'abjurer sa foi et de se transformer en infiltré parmi les convertis, il est envoyé dans une prison de haute sécurité, à Wadi El-Natroun. L'homme, qui durant ses vingt années d'activités islamistes, n'avait jamais été inquiété, se voit traité en criminel.
En 2010 et 2011, la pression contre les Coptes a augmenté fortement. Attentats meurtriers et heurts avec les musulmans se sont multipliés. Le 6 janvier 2010, six Coptes sont tués en Haute-Égypte quand des inconnus ouvrent le feu sur une foule commerçante. L'interdiction de construction d'une nouvelle église au Caire provoque, fin novembre 2010, des affrontements violents entre policiers et jeunes Coptes. Le 1er janvier 2011, un attentat contre une église d'Alexandrie tue 21 Coptes et en blesse 80. Le renversement du régime de Moubarak et la puissance montante des Frères musulmans ne peuvent que renforcer la crainte d'un avenir sombre pour les chrétiens. Depuis la chute du régime, des heurts violents entre Coptes et Musulmans se sont multipliés, faisant (mars et mai 2011) des dizaines de morts. L'avènement de la "démocratie" pro-américaine en Irak et en Égypte signifierait-elle, en réalité, le triomphe de l'intolérance islamique et la fin des chrétiens d'Orient ?
Aymeric Chauprade, Chronique du choc des civilisations