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Lobbying en Europe : le jeu de dupe de la transparence

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Le registre volontaire européen du lobbying fête ses deux ans. Institué en juin 2011 sous l’impulsion du Commissaire Maroš Šefčovič, il remplaçait une première tentative d’encadrer les activités de lobbying mise en place en 2008. 

Cette initiative vise à établir un code de déontologie et un registre du lobbying sur des bases non-contraignantes, misant sur l’ « autorégulation » des professionnels de l’influence. 

Deux ans après, le bilan reste mitigé et de puissantes industries continuent d’ignorer les règles européennes de transparence sans que cela ne les empêche de trouver portes ouvertes à la Commission.  

« 75% des entreprises enregistrées » 
Selon le registre commun de transparence mis en place en juin 2011, il existe en 2013 plus de 5750 « entités » intervenant auprès de la Commission et le Parlement. 

Plus de 670 cabinets d’avocats et de lobbying sont inscrits, sans distinction d’effectifs, et plus de 2860 représentants d’intérêts parcours les couloirs des institutions européennes. 

De leur côté, les représentants d’associations comptent 1496 inscrits et les « groupes de réflexion » (« Think-tank et académiques) près de 400 inscrits. 

Au total, ce serait de quelques 15.000 lobbyistes qui seraient présents dans la capitale européenne pour 21 500 employés par la Commission à Bruxelles. 

Pour les chercheurs Justin Greenwood et Joanna Dreger, auteurs d’une étude sur l’impact du registre du lobbying en avril 2013, “ la couverture du registre englobe désormais 75% des organisations à but lucratif ou liés au secteur privé, et environ 60% des ONG. ” Les universitaires ajoutent notamment dans leur étude que les associations vitrines, faux-nez de l’industrie, compte pour 15% des ONG enregistrées alors qu’elles devraient être listées parmi les groupes de lobby commercial

Les “passagers clandestins du lobbying” 
Selon un nouveau rapport publié ce 20 juin 2013 par la plateforme associative Alter-EU (pdf), spécialisée dans la surveillance des pratiques de lobbying européen : “ le registre volontaire échoue par le manque d’engagement d’une part importante des lobbyistes à s’enregistrer. De plus, il est rempli de données incomplètes et invérifiables. ” 

Par exemple, la compagnie de commerce en ligne E-Bay déclare un budget lobbying inférieur à 50000€ alors qu’elle emploie cinq lobbyistes dont deux sont accrédités auprès de la Commission. 

A l’inverse, une entreprise turque produisant des vêtements bio pour bébés se retrouve parmi les trois plus gros contributeurs au lobbying bruxellois, alors qu’elle n’y dispose même pas de bureaux. Il s’agit vraisemblablement d’une erreur de déclaration non corrigée, car non vérifiée par les services de la Commission en charge du registre. 

Dans son rapport, Alter-EU démontre ainsi que plus de 100 entreprises, véritables passagers clandestins du lobbying (“free-riders”), impliquées dans le lobbying à Bruxelles ne déclarent toujours aucune activité de la sorte dans le registre

Parmi les grands absents, il y a notamment Apple et Amazon qui ferraillent aux côtés de la bande de GAFA, réunissant également Google et Facebook, pour limiter la portée d’un projet de réglement européen relatif à la protection des données personnelles sur internet. 

En mars 2013, le site opensource Lobbyplag révélait qu’Amazon avait fait déposer dix amendements au texte législatif grâce à son travail de lobbying auprès des députés européens. 

Autre cas notable parmi les entreprises citées, il y a la banque d’affaires américaine Goldman Sachs (GS), connue pour sa stratégie financière agressive et ses liens étroits avec l’administration de Washington. 

Aux Etats-Unis, où les déclarations d’activités de lobbying sont obligatoires, la banque indique avoir dépensé en 2012 quelques 3 540 000 de dollars pour influencer les politiques de Washington

Portes ouvertes à la Commission 
Bien que ces entreprises ne respectent pas le cadre volontaire mis en place par la Commission européenne, cela ne les empêchent pas d’être accueillies et écoutées au sein des institutions européennes. 

Pour Alter-Eu “ le cas de Olli Rehn, vice président de la commission européenne et commissaire pour les affaires économiques et monétaires illustre parfaitement comment le non respect du registre du lobbying et de sa charte sont tolérés au plus haut niveau. Ainsi, 62% des rendez-vous que le Commissaire a eu entre janvier 2011 et février 2012 se sont fait avec des organismes non enregistrés, dont 3 rencontres avec les représentants de Goldman Sachs. 

Alors que nombre de parlementaires ont émis à plusieurs reprises leur souhait de voir le registre évoluer vers une approche plus contraignante, la Commission continue de défendre une approche volontaire. 

En mai 2013 Maroš Šefčovič précisait sa position sur son blog personnel : “ J’ai toujours pensé que l’approche volontaire était la meilleure pour les institutions européennes [...]. Je suis convaincu que la vaste majorité des groupes d’intérêts n’a rien à cacher et qu’à terme ils s’enregistreront tous. ” 

Un optimisme qui ne saurait faire office de bilan officiel et masquer les défaillances du système, en particulier l’absence d’astreinte sur l’authenticité des données fournies, tout comme l’existence de pratiques opaques à la marge comme le rappelait le récent scandale du Dalligate et les manoeuvres du lobby du tabac.

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