Le révolutionnaire est un homme dévoué, impitoyable envers l’État et l'ensemble de la société éduquée et privilégiée ; il ne doit pas attendre d'elle la moindre pitié. Entre elle et lui existe, qu'elle soit déclarée ou non déclarée, une guerre incessante et sans fin. Il doit se préparer à supporter la torture.
Dur envers lui-même, il doit être dur envers les autres. Toutes les émotions tendres ou efféminées de connivence, d'amitié, d'amour, de gratitude et même d'honneur doivent être refoulées en lui par une passion froide et entêtée pour la cause révolutionnaire. Il n'est pour lui qu'un seul délice, une seule consolation, une récompense et une gratification : le succès de la révolution. Jour et nuit, il ne doit avoir qu'une seule pensée, un seul but : la destruction sans merci. Dans sa poursuite froide et infatigable de ce but, il doit être prêt à mourir lui-même et à détruire de ses propres mains tout ce qui pourrait l'empêcher.
La nature du véritable révolutionnaire ne laisse pas de place pour le romantisme, le sentimentalisme, l'extase ou l'enthousiasme. Elle ne laisse pas davantage de place à la haine personnelle ou à la vengeance. La passion révolutionnaire qui doit devenir pour lui le mode de pensée courant, doit à tout moment être combinée au plus froid calcul. En tout instant et endroit, il ne doit pas être ce que lui dictent ses inclinations personnelles, mais ce que l'intérêt général de la révolution commande.
Sergueï Netchaïev, Le catéchisme révolutionnaire