INTERVIEW - L'électorat rural et les chasseurs sont très courtisés par les partis politiques, notamment par le PS, l'UMP et le Front national. Une semaine après la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), Thierry Coste, vice-président de l'association Ruralité et Société et conseiller de la Fédération nationale des chasseurs, analyse le « mouvement d'humeur » qui agite le monde rural, dans la perspective des scrutins de 2014.
LE FIGARO - L'électorat rural est très courtisé. En quoi est-ce un enjeu pour les élections municipales, européennes et sénatoriales de 2014 ?
Thierry COSTE - Depuis quelques années, l'électorat rural, qui représente entre 12 et 20 millions d'électeurs selon les critères que l'on choisit, fait l'objet d'une attention particulière des états-majors politiques, notamment du PS et de l'UMP. Les dernières élections ont montré que cet électorat rural réputé stable, conservateur de gauche comme de droite selon les régions, et très participatif, devenait de plus en plus contestataire, protestataire et abstentionniste. Cette révolution électorale dans les campagnes a commencé à la présidentielle de 2002 où le rural et chasseur Jean Saint-Josse réussissait, contre toute attente, à faire le même score qu'Olivier Besancenot. Depuis Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT) a disparu du paysage politique et le vote protestataire s'est ancré dans la France profonde, auprès d'un électorat populaire qui se considère comme méprisé dans sa vie quotidienne face aux grandes villes et aux banlieues. Depuis cette date, les états-majors regardent à la loupe ce mouvement d'humeur qui commence à faire tache d'huile dans toute la France rurale, et qui va se traduire par quelques surprises à l'occasion des élections municipales, européennes et sénatoriales de l'année 2014. À gauche comme à droite, la peur s'installe de voir un électorat populaire, jusqu'à présent fidèle, être séduit par les sirènes frontistes qui parlent au nom des oubliés de nos campagnes.
Quels sont les partis qui en font leur cœur de cible ?
À ce jour, j'ai la conviction qu'il n'y a encore que deux partis qui considèrent vraiment l'électorat rural comme un cœur de cible potentiel pour les prochaines échéances électorales. De façon surprenante, il s'agit du Parti socialiste et du Front national. Tous les deux disposent d'un électorat populaire qui vit et travaille dans le monde rural ou qui vit à la campagne tout en travaillant à la ville. Au centre comme au Front de gauche, le discours est plus urbain, même si les communistes ont toujours une petite partie de leur électorat rural. Du côté de Jean-Luc Mélenchon comme des écologistes, le monde rural est un OVNI dont ils ne possèdent aucun code, oubliant que cet électorat est plus à gauche qu'à droite dans la majorité des régions. François Hollande a parfaitement compris l'enjeu électoral de ce monde rural en pleine mutation et fait en sorte de donner des signes tangibles, comme lorsqu'il reçoit les chasseurs et les pêcheurs à l'Élysée. Mais le FN est à l'affût et fait feu de tout bois pour aller séduire ces femmes et ces hommes qui veulent vivre et travailler au pays. Marine Le Pen a une vraie stratégie offensive qui commence à apparaître par petites touches comme une peinture à la Degas.
Quel est le poids aujourd'hui de l'électorat chasseur ?
Les 3 millions de chasseurs et de pêcheurs représentent une partie non négligeable de l'électorat rural. Toutefois, cet électorat sur lequel CPNT a fait une OPA pendant presque une décennie est à nouveau libre. Les chasseurs sont redevenus un gibier électoral de choix et le FN ne s'y est pas trompé. Contrairement aux idées reçues, les chasseurs et les pêcheurs sont plus à gauche qu'à droite et c'est cette cible électorale qui est dans le viseur des amis de Marine Le Pen. Ce sera aussi le challenge du PS que de reconquérir une partie de son propre électorat populaire rural, qui n'aime pas l'Europe car elle perturbe ses passions et sa vie quotidienne.
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