On le sait bien depuis le début. La proposition n°31 du candidat PS à la présidentielle sur le "mariage pour tous" ne serait pas celle que défendrait avec le plus d'acharnement François Hollande.
Cette mesure figurait au titre des "marqueurs" que la gauche juge indispensables pour afficher son esprit progressiste et séduire une clientèle électorale réduite, mais peut-être déterminante à l'heure du résultat.
Toutefois, si le "coup de poker" est gagnant, il faut savoir ensuite l'assumer. Ce fut le cas de François Mitterrand avec l'abolition de la peine de mort. Près de vingt ans plus tard, Lionel Jospin joua aussi le jeu avec la création du pacs. Même s'il le fit sans grand enthousiasme. En coulisses, ses amis socialistes avaient presque dû lui tordre le bras.
François Hollande, lui, semble avoir beaucoup plus de mal à cacher ses sentiments. En expliquant, aux maires de France, que la loi sur le "mariage pour tous" devra s'appliquer, si elle est adoptée, dans "le respect de la liberté de conscience" des élus, il a avoué sa gêne. Il a exhibé publiquement son absence de conviction, d'engagement pour une promesse qui l'oblige, mais qu'il aurait préféré oublier.
Ce sujet n'est pas le sien. Il n'est pas de son éducation, de sa culture, de sa mentalité, de "son" socialisme. Il lui est tellement étranger que François Hollande semble même compatir aujourd'hui avec les réfractaires à la réforme du mariage !
L'épisode en dit long sur l'homme - qui varie en fonction des saisons et des oppositions - et sur son caractère. Il révèle une façon de gouverner en zigzag, en reculades, de plus en plus voyante. Sur le front économique : la réalité le contraint à avaler son chapeau, et cela ne fait que commencer. Sur les thèmes dits de société : outre le fait qu'il prend conscience des résistances - il ne s'attendait sans doute pas à voir autant de monde manifester samedi dans plusieurs grandes villes -, il n'est pas persuadé lui-même de la pertinence de ses initiatives.
Invention de la "loi en option"
On ne peut que lui donner raison sur le fond. Tout comme l'accès au droit de vote des étrangers, renvoyé aux calendes grecques, celui du mariage ouvert aux homosexuels est très contestable. Beaucoup plus encore, car il touche aux fondements juridiques, philosophiques, religieux et anthropologiques de notre société.
Que ne se l'est-il pas avoué plus tôt ! Car en accordant la liberté de conscience aux élus - même si celle-ci ne sera pas inscrite dans le texte -, en les encourageant donc à déléguer s'ils ne veulent pas unir par le mariage deux homosexuels, il verse dans l'improvisation.
François Hollande vient d'inventer la "loi en option". Du jamais-vu, une espèce d'ovni violant tous les principes généraux d'un Etat de droit qui veulent qu'une loi y soit d'application générale et universelle. On ne s'y prendrait pas mieux pour rompre la confiance des citoyens, créer un sentiment d'instabilité, accentuer le caractère relatif de l'autorité politique.
Souhaitons au moins que cette "affaire" de mariage pour tous serve de leçon à François Hollande. Et le conduise déjà à ne plus se mentir à lui-même.
Yves Thréard pour Le Figaro N°21 246