L'essentiel de ce qui constituait les bases psychologiques de la lutte terroriste a peu changé depuis le siècle dernier, quand les écrits anarchistes ont, les premiers, formulé les principes de cette stratégie. L'idée de base était "la propagande par l'action". Cette maxime signifiait que l'acte terroriste était le meilleur messager de la nécessité de renverser le régime et la torche qui montrerait la voie pour le faire. Les terroristes révolutionnaires espéraient que, grâce à leurs attentats, ils passeraient d'un petit club de conspirateurs à un vaste mouvement révolutionnaire. En un sens, le concept originel de propagande par l'action, tel qu'il a été expliqué et mis en pratique par les révolutionnaires du XIXe siècle, était plus raffiné que son utilisation moderne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Tandis que les premiers utilisateurs de cette idée veillaient à choisir soigneusement des cibles symboliques, telles que des chefs d’État, des gouverneurs et des ministres infâmes et oppresseurs, afin d'attirer l'attention sur la justesse de leur cause, la version actuelle a choisi les attaques indiscriminées provoquant de nombreuses pertes. En agissant ainsi, ils ont troqué la valeur propagandiste de la justification contre la valeur de choc maximale assurant une massive couverture médiatique. Ce changement semble refléter l'adaptation de la stratégie à l'âge de la télévision. Quoi qu'il en soit, ce concept de base de la nature de la lutte terroriste ne constitue pas une stratégie complète. Comme certaines autres conceptions du terrorisme, dans l'idée de la propagande par l'action, le terrorisme est censé n'être que la première étape de la lutte. C'est un mécanisme destiné à hisser un drapeau et à recruter, un prélude qui devrait permettre aux insurgés de développer d'autres modes de lutte. Par lui-même, il n'est pas destiné à renverser un gouvernement.
Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Histoire du terrorisme