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Des affrontements entre l'armée et des militants islamistes ont fait plus de quarante morts au Caire, lundi, à l'aube, à proximité de la caserne de la Garde nationale ou serait détenue le président déchu Mohammed Morsi.
L'escalade était en marche ces dernières heures au Caire, cinq jours après le renversement du président Mohammed Morsipar les militaires. Après des affrontements qui ont fait au moins 42 morts, dans la nuit de dimanche à lundi, lors de heurts entre l'armée et les Frères musulmans, ces derniers ont lancé un appel à la rébellion. Leur vitrine politique, le Parti de la justice et de la liberté (PLJ) appelle dans une déclaration écrite au «soulèvement du grand peuple d'Égypte contre ceux qui sont en train d'essayer de lui voler sa révolution avec des chars».
Par ailleurs, selon certaines informations, quelque 2000 personnes proches des Frères musulmans seraient retranchés depuis lundi matin dans une mosquée du Caire encerclée par l'armée. Selon des témoignages parus sur les réseaux sociaux, ces militants seraient armés et accompagnés de plusieurs enfants. Aucune image ni informations vérifiables n'étaient disponibles lundi en fin de matinée.
Les affrontements les plus violents se sont produits à l'aube à proximité de la caserne de la Garde républicaine, dans le quartier Nasser, à l'ouest de la capitale, où serait détenu Mohammed Morsi. Selon l'armée, un «groupe terroriste» a donné l'assaut contre le bâtiment. Quant aux Frères musulmans, ils accusent les militaires d'avoir violemment réprimé un rassemblement pacifique. Les tirs de l'armée ont fait plus de quarante morts dans les rangs des islamistes, selon un bilan qui menaçait de s'alourdir.
350.000 personnes place Tahrir
Au cours de ces violences, sanglantes, deux soldats égyptiens ont été «capturés» par des partisans armés du président déchu, selon l'agence officielle Mena, citant un haut responsable de l'armée. Embarqués dans une voiture et frappés, ces deux soldats ont été contraints de prononcer une déclaration en faveur de Mohammed Morsi et hostile à l'armée dans des haut-parleurs, selon cette source. Ils auraient finalement réussi à s'enfuir. Un officier aurait été tué et quarante personnes blessées, d'après l'armée.
Dimanche, des centaines de milliers d'Égyptiens ont encore manifesté dimanche au Caire et à Alexandrie, - quatorze personnes avaient été tuées vendredi-, certains pour appuyer la décision de l'armée et d'autres, moins nombreux, pour demander le retour de Mohammed Morsi à la présidence. Sur la place Tahrir du Caire, où quelque 350.000 personnes avaient convergé, le rassemblement anti-Morsi a pris dimanche soir une tournure très anti-américaine, les manifestants accusant Barack Obama de soutenir les Frères musulmans, et les médias américains, en particulier CNN, d'avoir qualifié de «coup d'État» l'éviction de Mohammed Morsi par l'armée.
Ces dernières heures, les événements de la rue ont pris le pas sur les tractations politiques. Al-Nour, la deuxième formation islamiste du pays après les Frères musulmans, a estimé lundi que le dialogue sur la formation d'un gouvernement de transition, laborieusement engagé après la nomination jeudi d'un magistrat, Adli Mansour, comme président intérimaire, était rendu impossible par le «massacre» perpétré, selon lui, par les militaires. «Comme première réponse, nous avons annoncé notre retrait de toutes les facettes des négociations», a déclaré sur Facebook, Nader Bakara, porte-parole du mouvement.
Le spectre d'une guerre civile
Al-Nour a récusé les deux hommes pressentis pour devenir respectivement premier ministre et vice-président, Ziad Bahaa ElDine, un ancien directeur des investissements sous Moubarak, et Mohamed ElBaradei, la figure de proue du camp laïc, au prétexte qu'ils étaient tous deux membres du Front de salut national (FSN), une coalition d'opposants libéraux et de gauche. Samedi, le porte-parole d'Adli Mansour a tendu la main aux islamistes en annonçant que les Frères musulmans seraient autorisés à participer aux prochaines élections, y compris au scrutin présidentiel, mais cela n'a semble-t-il pas entamé la détermination des manifestants. Pour sa part, Mohamed ElBaradei, - qui fut directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique - a demandé une enquête sur les affrontements de lundi au Caire.
Le spectre d'une guerre civile en Égypte commence à inquiéter très sérieusement la communauté internationale, les États-Unis en premier lieu. Barack Obama a demandé à ses services d'examiner si l'aide américaine à l'Égypte - 1,5 milliard de dollars par an, principalement destinés à l'armée - devait être révisée. Lundi, la Turquie a condamné les tirs meurtriers contre les militants islamistes, dénonçant un «massacre» foulant au pied «les valeurs fondamentales de l'humanité que nous avons toujours défendues».