Nicolas est enfin sorti de prison. Pour tous les opposants à la loi Taubira, c’est un grand moment de soulagement. Car Nicolas était devenu le frère, le fils, le cousin pour tous. Même pour ceux qui ne le connaissaient pas personnellement.
Une proximité d’autant plus grande que chacun d’entre eux avait eu le sentiment— troublant, déconcertant pour une population « polie » — qu’il aurait pu se retrouver à sa place derrière les barreaux. Nicolas avait-il tué, volé, violé ? Quelqu’un avait-il vu la tête commotionnée d’un policier qu‘il aurait frappé ? Non bien sûr. Avait-il fait irruption de la pièce montée lors d’un déjeuner officiel à l’Elysée, entarté Manuel Valls à la sortie d’un train, enfermé Christiane Taubira dans les toilettes du ministère de la Justice ? Même pas. Les motifs de l’arrestation de Nicolas étaient si dérisoires, la sévérité de son jugement si incompréhensible, qu’ils avaient généré une empathie et une identification sans précédent. Une certaine angoisse aussi. Une chose est de deviner, par mille signes, la gauche spécialement sectaire depuis son accession au pouvoir, une autre, d’un degré bien supérieur, de concevoir que l’on puisse aller, en France aujourd’hui, en prison « du fait du prince », par une homogénéité idéologique semblant avoir mis fin à la séparation des pouvoirs, judiciaire et exécutif.
Nicolas sera resté près de trois semaines en prison. Trois semaines qui auront été le point d’orgue de plusieurs mois de répression arbitraire à l’encontre de la résistance au mariage dit pour tous. Trois semaines durant lesquelles la droite naturellement respectueuse de l’ordre et des institutions aura achevé sa révolution copernicienne : pour la première fois, elle aura posté une lettre à destination de Fleury-Mérogis. Sa confiance en la justice est rompue. La rupture avec les forces de l’ordre est consommée. Dans certains établissements scolaires cotés et sans histoire de quartiers bourgeois, on croisait ces derniers temps plus d’interpellés et de gardés à vue que dans bien des établissements « chauds » de banlieue.
De la même façon que Nicolas sera probablement marqué à vie par son passage en prison, ce sera toute une génération à droite de l’échiquier politique qui aura changé d’état d’esprit : plus méfiante, plus résistante, prête à supporter l’opprobre, moins en recherche de respectabilité. Quelles en seront les conséquences concrètes à l’avenir ? Je l’ignore. Mais il y en aura coup sûr.
Soit, ce verdict en appel n’est qu’une semi-victoire. Car il permet, en condamnant malgré tout Nicolas à 3.000€ d’amende dont 1.500 avec sursis pour faits d’« attroupement et manifestation », de sauver la mise : si Nicolas avait été acquitté, il aurait fallu l’indemniser pour ces trois semaines de prison. Qu’importe, Nicolas retourne chez lui. Et au-delà du traitement ubuesque réservé aux manifestants pour tous (Nicolas a été mis à l’isolement à côté de Redoine Faïd !) et du malaise patent régnant au sein de la police (un policier a retiré in extremis sa plainte, par fax, transmise à la cour…), ce procès a révélé que la jeunesse insolente, indignée et éprise de justice a changé de camp.
Tandis que la gauche s’est muée en censeur implacable et tatillon, qui ne transige pas avec SA morale… Sans l’ombre d’un scrupule : interrogée sur la peine de prison ferme de Nicolas Buss quelques heures avant ce verdict en appel, Ségolène Royal a souri : « Ça lui fera une expérience. » Un stage étudiant comme un autre, en somme. La prison, c’est très enrichissant, on ne le dit pas assez à toutes les victimes d’erreurs judiciaires qui se plaignent stupidement…
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