Selon le sondage Ifop publié aujourd'hui, 64 % des Français voteraient non au traité de Maastricht. (51,05 % avaient voté oui en 1992).
67 % estiment que l'UE est allée « dans la mauvaise direction » depuis 1992.
76 % « ne pensent pas que l'UE agisse de façon efficace » face à la crise.
Autrement dit : les Français voient que la construction européenne a changé de sens depuis Maastricht.
Il eût été intéressant de poser d'autres questions pour affiner cette idée. Quel était le sens antérieur de la construction européenne ? Quel a été le nouveau sens ? D'où vient que ce nouveau sens rende l'Europe inefficace devant sa propre crise ? Et devant la crise mondiale ? S'agit-il de deux inefficacités différentes, ou d'une seule inefficacité à double face, interne et externe ?
Aucun institut de sondages n'accepterait évidemment de poser ces questions. Si une rédaction s'avisait de les commander, l'institut les lui refuserait comme « contenant les réponses », ce qui en ferait des questions « fermées »* donc incorrectes.
Mais si ces questions contiennent les réponses, c'est qu'elles correspondent à une réalité. Tout le monde - sauf quelques bredins - sait que la construction européenne a été squattée à partir de 1990 par l'ultralibéralisme, qui a détourné l'Europe de son sens initial (une communauté définissable) pour en faire le seul espace au monde qui soit livré au libre-échangisme. Résultat : par exemple, aux actualités télévisées d'hier soir, le reportage sur le démantèlement de facto des douanes européennes, où l'on apprenait que des exportateurs asiatiques font entrer en Europe des produits dangereux faussement garantis par un label CE** ; moyennant quoi on retrouve dans les hypermarchés des services de table en matériau cancérigène, ou des appareils de chauffage qui fondent quand on les allume. « Nous essayons bien de les contrôler, expliquait un syndicaliste des douanes, mais le nombre des douaniers ne cesse de diminuer : donc nous ne contrôlons que 3 % de ce qui entre... » Désactiver les douanes est le fin mot du libéralisme. Qu'on ne s'étonne pas ensuite de voir les Français regretter d'avoir voté oui à Maastricht.
Vu sur le blog de Patrice de Plunkett