Nous vivons sous occupation, sous occupation policière. Les rafles de sans-papiers en pleine rue, les voitures banalisées sillonnant les boulevards, la pacification des quartiers de la métropole par des techniques forgées dans les colonies, les déclamations du ministre de l'Intérieur contre les "bandes" dignes de la guerre d'Algérie nous le rappellent quotidiennement. C'est assez de motifs pour ne plus se laisser écraser, pour s'engager dans l'autodéfense.
A mesure qu'elle grandit et rayonne, une commune voit peu à peu les opérations du pouvoir prendre pour cible ce qui la constitue. Ces contre-attaques prennent la forme de la séduction, de la récupération et, en dernier recours, celle de la force brute. L'autodéfense doit être pour les communes une évidence collective, tant pratique que théorique. Parer à une arrestation, se réunir prestement en nombre contre des tentatives d'expulsion, mettre à l'abri l'un des nôtres, ne seront pas des réflexes superflus dans les temps qui viennent. Nous ne pouvons sans cesse reconstruire nos bases. Qu'on cesse de dénoncer la répression, qu'on s'y prépare.
L'affaire n'est pas simple, car à mesure que l'on attend de la population un surcroît de travail policier - de la délation à l'engagement occasionnel dans les milices citoyennes -, les forces de police se fondent dans la foule. Le modèle passe-partout de l'intervention policière, même en situation émeutière, c'est désormais le flic en civil. L'efficacité de la police lors des dernières manifs contre le CPE venait de ces civils qui se mêlaient à la cohue, attendant l'incident pour se dévoiler : gazeuse, matraque, flashball, interpellation ; le tout en coordination avec les services d'ordre des syndicats. La simple possibilité de leur présence suffit à jeter le soupçon parmi les manifestants : qui est qui ?, et à paralyser l'action. Étant admis qu'une manifestation n'est pas un moyen de se compter mais bien un moyen d'agir, nous avons à nous doter des moyens de démasquer les civils, les chasser et le cas échéant leur arracher ceux qu'ils tentent d'arrêter.
La police n'est pas invincible dans la rue, elle a simplement des moyens pour s'organiser, s'entraîner et tester sans cesse de nouvelles armes. En comparaison, nos armes à nous seront toujours rudimentaires, bricolées et bien souvent improvisées sur place. Elles ne prétendent en aucun cas rivaliser en puissance de feu, mais visent à tenir la distance, à détourner l'attention, à exercer une pression psychologique ou forcer par surprise un passage et gagner du terrain. Toute l'innovation déployée dans les centres de préparation à la guérilla urbaine de la gendarmerie française ne suffit manifestement pas, et ne suffira sans doute jamais à répondre assez promptement à une multiplicité mouvante pouvant frapper à plusieurs endroits à la fois et qui surtout s'efforce de toujours garder l'initiative.
Les communes sont évidemment vulnérables à la surveillance et aux enquêtes policières, à la police scientifique et au renseignement. Les vagues d'arrestations d'anarchistes en Italie et d'ecowarriors aux États-Unis ont été permises par des écoutes. Toute garde à vue donne maintenant lieu à une prise d'ADN et nourrit un fichier toujours plus complet. Un squatteur barcelonais a été retrouvé parce qu'il avait laissé des empreintes sur les tracts qu'il distribuait. Les méthodes de fichage s'améliorent sans cesse, notamment par la biométrie. Et si la carte d'identité électronique venait à être mise en place, notre tâche n'en serait que plus difficile. La Commune de Paris avait en partie réglé le problème du fichage : en brûlant l'Hôtel de Ville, les incendiaires détruisaient les registres de l'état civil. Reste à trouver les moyens de détruire à jamais des données informatisées.
comité invisible, L'insurrection qui vient