Gracieusement, l'abeille participe à la pollinisation de plus de 80% des plantes à fleurs. Sans elle, adieu tartes aux frais ou chaussons aux pommes. Et même si vous n'êtes pas très dessert, un tiers de notre nourriture dépend de cet adorable insecte. Albert Einstein aurait dit que si l'abeille disparaissait de la surface du globe, l'homme n'aurait plus que quatre années à vivre ; bonne nouvelle pour les déçus de l'apocalypse de décembre dernier, ils pourront prendre la prochaine. Car les abeilles ont le bourdon, depuis quelques années, leur population se raréfie. On note jusqu'à 80% d'abstention dans les ruches du monde entier. Pour remédier à cette disparition, il existe des initiatives attendrissantes comme le parrainage de ruches, mais il est bon de rappeler que les abeilles ne sont pas des animaux domestiques et beaucoup d'entre elles désertent leur niche, de façon bien mystérieuse. Comme si les abeilles se cachaient pour mourir ou qu'elles avaient colonisé un paradis où coule le miel, loin de l'esclavage. Qu'elles soient en grève ou victimes de pollution, le résultat est le même, les plantes sont au chômage technique sans les abeilles, les autres sources de pollinisation ne sont que du vent. Et si les ouvrières ne font plus travail, devinez qui va s'y coller ? Bravo, vous avez gagné un coton-tige avec lequel vous pouvez commencer à badigeonner de pollen tous les arbres fruitiers.
Remplacer les abeilles par l'homme, voilà un pacte digne de Nicolas Bertrand et pourtant les mais, je n'invente rien ; la preuve en image dans l'excellent film Des abeilles et des hommes. Cette mesure est déjà appliquée en Chine dans le Sichuan, une région où les abeilles n'ont pas du tout apprécié les pesticides et la surexploitation du miel. Résultat : les hommes sont condamnés à travailler comme des bêtes, la pollinisation des poiriers et pommiers est faite à la main ! Les animaux ont des manières délicates de faire la révolution. Sans un mot et sans violence, ils s'effacent jusqu'à ce que le bâton se retourne vers leurs agresseurs. Ainsi, dans cette même Chine, le président Mao avait ordonné le massacre des moineaux qui picoraient les récoltes. Les oiseaux ayant quasiment disparu du pays, les sauterelles ont pu tranquillement prospérer sans avoir de prédateurs et ont terminé les céréales au détriment de 30 millions de Chinois, victimes de famine. Dans le même registre, le pape Innocent VII qui condamna les chats au Moyen Age, a laissé aux rats le loisir de propager la peste avec une plus grande efficacité...
Mais revenons à nos abeilles. Dans l'île de la Réunion, l'homme a déjà su les remplacer puisque la fleur de vanille se pollinise manuellement. L'humanité pleurera vraiment la disparition des abeilles quand elle paiera les cerises au prix de la gousse de vanille. En attendant tous à vos cotons-tiges !
La Décroissance N°99