Le délit d'offense au chef de l'État a été supprimé mardi par l'Assemblée nationale. La Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France pour l'utilisation de ce chef d'accusation.
Le président ne sera plus jamais offensé. Diffamé ou injurié, peut-être. L'Assemblée nationale a voté mardi soir la suppression du délit d'offense au chef de l’État, qui était passible d'une amende de 45.000 euros. «Si le président de la République mérite évidemment le respect de ses concitoyens, une telle disposition dérogatoire au droit commun n'apparaît plus justifiée dans une démocratie moderne», indique le texte de loi. Instauré avec la loi sur la liberté de la presse de 1881, ce délit servait à «protéger le président, qui n'avait aucun pouvoir et qui n'était qu'un symbole de la permanence des institutions, un peu comme la reine d'Angleterre aujourd'hui», indique Me Eolas, célèbre avocat blogueur au Figaro.
Ce délit, tombé en désuétude depuis le général de Gaulle, était sorti de l'oubli en 2008. Hervé Eon, un militant du Parti de gauche, avait brandi une pancarte avec inscrit «Casse-toi pov'con» lors d'un déplacement de Nicolas Sarkozy à Laval (Mayenne). Il avait alors été poursuivi pour offense. Le parquet avait requis 1000 euros d'amende, mais le tribunal avait statué pour une peine symbolique d'amende de 30 euros avec sursis. Une décision confirmée en appel. En réaction, le sénateur d'alors Jean-Luc Mélenchon, qui soutenait le militant, avait déposé, sans succès, une proposition de loi visant à abroger ce délit, le considérant comme la «transposition dans le droit républicain du crime de lèse-majesté d'Ancien Régime».
«Un privilège exorbitant»
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a depuis jugé que cette condamnation violait la liberté d'expression. Les juges avaient trouvé «disproportionné» le recours à une sanction pénale, qui risquait, selon elle, d'avoir «un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général». Les juges de Strasbourg avaient déjà poussé la France à abroger en 2004 un délit similaire, celui d'offense à chef de l'État étranger. Dans un arrêt de 2002, ils avaient estimé qu'il revenait à conférer aux chefs d'État étrangers "un privilège exorbitant", car leur seul statut leur permettait ainsi de se soustraire à la critique. Dorénavant, l'injure ou la diffamation à l'encontre du président seront, comme la loi le prévoit déjà pour toutes les personnes publiques, passibles de 45.000 euros d'amende. Si le montant de l'amende reste le même, les droits de l'accusé, eux, changent. En effet, une personne poursuivie pour injure ou diffamation peut se défendre en expliquant avoir été provoquée, en mettant en avant sa bonne foi ou en prouvant les faits diffamatoires. Or, il n'en était rien avec l'offense. Quant à Hervé Eon, qui a été condamné à un délit qui n'existe plus, il a débuté une procédure pour se faire rembourser ses frais de justice et voir son casier judiciaire effacé.
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