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Channel: ORAGES D'ACIER
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La fondamentale critique des médias

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Si le mouvement ouvrier était si puissant au début du XXe siècle, ce n'est pas parce qu'il s'obstinait à passer dans la presse bourgeoise. Mais parce qu'il avait su construire un espace public oppositionnel : des journaux dissidents, des bourses du travail, des associations, des syndicats. La décroissance ne doit donc pas chercher à figurer dans les médias médiocres, à se compromettre pour se voir citée dans les organes officiels du "il n'y a pas d'alternative". On ne conteste pas le rôle de la pensée en les courtisant, mais en les rejetant en bloc : en diffusant ses idées en dehors des citadelles du lieu commun, actrices d'un système productiviste que l'on rejette ; en ouvrant des brèches contre-hégémoniques dans l'édifice. Comme le disait déjà La Décroissance dans son numéro 62 : "La transformation de la société se fera contre les médias vendus et non avec eux." Ou comme l'affirmait le regretté Plan B : "Toute critique du pouvoir passe par la critique des médias." 
     Cette critique s'est généralisée : les journalistes figurent parmi les professions les plus détestées des Français, avec les banquiers, les agents immobiliers et les députés. Selon le baromètre de la confiance dans les médias publié chaque année par La Croix, une écrasante majorité juge que les rédacteurs ne sont pas indépendants du pouvoir politique et économique. "Jamais les accusations portées contre les organes d'information n'ont été aussi nombreuses et graves que depuis le début des années 1990."
     Malgré cela, l'information aux ordres n'a jamais exercé une telle emprise. Contrairement à ce que pensent les révolutionnaires du web 2.0, la consommation massive d'Internet ne constitue en rien une échappatoire au journalisme dominant. La société du spectacle ne fait que s'étendre davantage dans la vie de chacun, connecté en permanence à un flux qui enfle. "Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation", écrivait Guy Debord dès 1967. Son analyse est on ne peut plus d'actualité, alors que les Français passent en moyenne 31 heures par semaines, soit près de 4 h 30 par jour. Nous ne percevons plus la vie qui nous entoure par nos sens, nos relations, notre contact direct avec le réel. Nous consommons une mise en scène du présent, sans aucune issue du dehors de cette "énorme positivité indiscutable", "image de l'économie régnante" (Guy Debord, La Société du spectacle). 

La Décroissance N°95

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