Une crise alimentaire globale va avoir lieu ces prochaines années du fait de la convergence de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la fin du pétrole bon marché signera la mort de l’agriculture moderne, qui ne peut exister sans tracteurs ni moissonneuses-batteuses, sans pompes ni irrigation automatique et sans une quantité d’autres machines. Il faut 1500 litres d’essence par habitant et par an pour nourrir un Occidental. Pour produire une calorie de nourriture, l’équivalent de 10 calories d’énergie fossile est nécessaire. Avec l’épuisement des sols, la pénurie annoncée de phosphates et le renchérissement de la fabrication d’engrais, pesticides et herbicides, cette agriculture qui consomme 17% de l’énergie totale ne va bientôt plus pouvoir produire autant. De plus, l’eau manque. Beaucoup de régions agricoles sont à l’origine des semi-déserts transformés grâce à de l’eau que l’on a pompée de nappes phréatiques ou que l’on a acheminée depuis des cours d’eau lointains. La mécanisation a fortement réduit le nombre de fermiers qui sont de plus en plus âgés. La moyenne d’âge des fermiers occidentaux est de 55 ans, et seulement 5,8% d’entre eux ont moins de 35 ans, ce qui laisse redouter, avec le départ à la retraite d’une grande partie de ceux-là, la disparition de leur précieux savoir-faire.
La situation n’est pas meilleure pour les fermes des pays pauvres, elles aussi configurées en monoculture intensive. Il est triste de voir que, partout dans le monde, des communautés parfaitement auto-suffisantes et durables ont été démantelées sous les pressions économiques d’un dogme mondialiste et ultra-libéral. Et, alors que ces savoirs sont sur le point d’être définitivement perdus, ils seront plus nécessaires que jamais. Ajoutons encore les changements climatiques et nous avons le tableau d’une activité économique cruciale, mais incroyablement fragile si on la rapporte à son importance. Si le prix du pétrole augmente, de plus en plus de fermes vont devoir fermer. Les vieux fermiers (la majorité) vont préférer arrêter leur métier. Les grandes exploitations vont devoir augmenter les prix. La population va voir les prix exploser. Si, en Occident, la part des dépenses alimentaires des ménages est de 10% des revenus, elle est de 50 à 80% dans les pays pauvres. Si les prix montent de manière permanente et que la production baisse, ce sera rapidement la famine à l’échelle globale.
Pauvres comme riches vont devoir quitter les villes pour se procurer de la nourriture et s’improviser fermiers, mais avec peu de terres disponibles, avec des pénuries en eau et le manque de compétences, le processus risque d’être un désastre. Il faudra des décennies pour que l’improvisation cède la place à l’expérience et, entre-temps, il n’y aura pas de nourriture pour tout le monde. Ce sera une crise alimentaire énorme. La plus grande famine de tous les temps, avec des centaines de millions de morts. Peut-être des milliards de morts.
Les pays qui importent 90% de leur nourriture, comme l'Égypte, vont s’effondrer avec une brutalité inouïe. Les survivants vont migrer massivement comme une nuée de sauterelles, et provoquer dans les pays d’accueil (volontaires ou non) toute une série de problèmes déstabilisateurs. Ils propageront de plus en plus la crise. Les French doctors ne pourront rien y faire. Il n’y aura plus de stocks de nourriture à distribuer. Ce sera tragique.
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement