Comme l'explique ce terme, un autre élément psychologique saillant de la stratégie du terrorisme est l'intention de semer la peur dans les rangs ennemis. La notion est simple et ne nécessite pas de développement. Pour le régime et ses hauts fonctionnaires dont l'existence même est mise en danger par les insurgés, la lutte est une question de vie ou de mort, et généralement il y a peu de chances qu'ils l'abandonnent à cause des menaces terroristes. Néanmoins, des terroristes ont parfois réussi, à travers une campagne systématique d'assassinats, de mutilations ou d'enlèvements, à intimider des catégories sélectionnées de gens (juges, jurés ou journalistes). Une extension de cette idée de terrorisme coercitif s'applique à la population en général. Les fonctionnaires et les employés gouvernementaux ne sont pas les seuls à être punis par les terroristes, qui frappent aussi tous ceux qui coopèrent avec les autorités et refusent d'aider les insurgés. On peut citer comme exemple de l'utilisation à grande échelle de cette stratégie les meurtres de collaborateurs réels ou supposés des autorités par le Viêt-minh et le Viêt-cong au Viêt-nam, le FLN en Algérie et les "groupes de choc" palestiniens dans les territoires occupés par les Israéliens. Une utilisation encore plus extensive de ce type d'intimidation vise à obliger la population à s'engager. En fait, tout cela est surtout destiné à atteindre ceux qui restent neutres et qui, dans de nombreux cas, constituent la grande majorité de l'opinion publique, plutôt qu'à intimider les réels opposants. Home note qu'en Algérie, dans les deux premières années et demie de la guerre du FLN contre les Français, ce mouvement assassina au moins 6 352 musulmans pour 1 035 Européens. Les tueries étaient souvent atroces afin de maximiser l'effet de terreur.
Des organisations insurgés formulent parfois des exigences ridicules à l'égard de la population, avec pour seul objectif d'exercer et de démontrer leur contrôle. Lors de la révolte arabe de 1936-1939 en Palestine, les insurgés ont exigé de la population urbaine arabe qu'elle s'abstienne de porter le tarbouche (le couvre-chef populaire parmi les citadins), et le remplacer par le keffieh. Ceux qui ignoraient cet ordre étaient sévèrement punis. Dans le même ordre d'idées, en 1955, le FLN algérien exigea de la population musulmane qu'elle s'abstienne de fumer. Il coupait les lèvres de ceux qui désobéissaient avec des cisailles. Encore une fois, il est difficile de trouver une quelconque logique dans cette injonction, si ce n'est une démonstration de pouvoir pour contrôler la population.
Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Histoire du terrorisme