Dans son papier « Le fusilleur », qu’il publia au lendemain de la manifestation du 6 février 1934, il pourfend le ministre de l’Intérieur Eugène Frot, qui a fait tirer sur les « factieux » (une trentaine de morts, des centaines de blessés). Et surtout le président du Conseil Édouard Daladier, qu’il accuse d’avoir provoqué le sursaut populaire en étouffant l’affaire Stavisky (« A bas les voleurs ! ») :
On a vu le résultat. Il est propre, il est beau ! Tout le peuple debout. Paris couvert d’appels à la révolte, les garnisons alertées ; les faubourgs roulant à grands flots vers le cœur de la ville. Puis, au soir venu, le feu partout et le sang ; les anciens combattants mitraillés ; les hôpitaux regorgeant de blessés ; des morts à pleines civières... Voilà votre œuvre, voilà votre travail. Homme à face de mauvais prêtre, vous faites bien de courber le front ! Car vos mobiles, on les connaît à présent. Il n’en est point de plus vils. C’est pour la vanité d’un jeu parlementaire que vous avez armé les fusils ; c’est pour être un peu plus longtemps ministre... Votre majorité, vous l’avez eue, hein ! Trois cent soixante voix. Sans compter celle des veuves, des orphelins et des morts. Cependant, il a fallu s’en aller quand même. Vous êtes tombé. Vous avez glissé dans le sang. Il s’agit, à présent, de régler votre compte, et celui de Frot, votre Fouché. Il vous fallait notre peau, nous réclamons la vôtre. Et vite ! Pas de Haute Cour. Non. La cour martiale, s’il vous plaît, car on vous a trouvé les mains noires de poudre ! N’entendez-vous pas, de tous ces logis, de tous ces ateliers, de tous ces hôpitaux tomber sur vous la colère du peuple ? Sous ces voiles de deuil, derrière ces files de cercueils, ne voyez-vous pas ces yeux chargés de larmes, ces terribles regards ? Ils réclament justice et vengeance. Entre les pavés rougis, des poings sortent de terre.
Henri Béraud