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La guerre du Viet-Minh 1/3

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Alors que l'insurrection de Markos (Grèce) fut menée dans un pays indépendant et sous-développé par un parti communiste aux ordres de l'Union Soviétique, alors que la révolution tunisienne fut réalisée dans un pays dépendant et sous-développé par un parti communiste de type occidental, la guerre du Viet-Minh fut conduite dans un pays dépendant et sous-développé par un parti communiste soutenu directement par le Parti communiste chinois, et plus ou moins directement par l'Union Soviétique. A travers elle, pendant huit années, les dirigeants communistes eurent l'occasion d'appliquer dans toute sa rigueur, puis de préciser et de compléter, la doctrine de Lénine et de Mao Tsé-Toung. Dès le 18 mai 1925, elle avait été annoncée par Staline qui, devant l'"Université communiste des Travailleurs de l'Orient", à Moscou, définissait ainsi la tâche du communisme dans le Sud-Est asiatique: "L'affranchissement des pays coloniaux n'est pas possible sans une révolution victorieuse. Cette révolution n'est possible que si l'élite ouvrière, groupée dans un parti communiste, prend la direction du prolétariat rural et ouvrier, et discrédite la bourgeoisie nationale conservatrice. La victoire suppose aussi que le mouvement révolutionnaire local soit soutenu par les mouvements prolétariens des pays évolués d'Occident." Dès ce moment-là, il était net qu'elle serait conduite par des révolutionnaires professionnels, étroitement unis par leur orthodoxie et par la conviction que, selon Lénine, "la route de Moscou à Paris passe par Pékin, Saïgon et Calcutta"
     A la tête de cette équipe de révolutionnaires professionnels figurait Hô Chi Minh, l'un des premiers membres du Parti communiste français, l'un des principaux agitateurs du Sud-Est asiatique : il était à Canton avec Borodine et Galle, à Hankeou en 1926, à Canton de nouveau en 1927, au Siam en 1928, à Hong-Kong en 1930 où, après l'échec de la révolution nationaliste de Yen Bay, il fonda le "Parti communiste indochinois". C'est à son instigation que des grèves et des émeutes éclatèrent à Namdinh, à Mong-Tuong, à Ben-Thuy, dans le Transbassac, dans le Nord-Annam, dans le Thaï-Binh en 1930-1931, etc. Il avait formé son équipe à son image : Giap, le maître de l'armée, Pham Van Dong, le responsable de l'Economie, Dong Thaï Mai, Tran Van Man, Hoang Van Hoan, Nguyen Thanh Son, etc. 
     S'inspirant directement des thèses de Mao Tsé-Toung, Hô Chi Minh renonça à s'appuyer sur le prolétariat urbain, pour diriger essentiellement son action vers les masses paysannes, soutenant les paysans pauvres contre les chefs féodaux en pays Thaï, créant un "parti ouvrier Khmer" au Cambodge, agissant sur des minorités jusqu'alors négligées en pays Thaï, au Laos et au Cambodge, etc. Il avait besoin d'une idéologie et d'une technique. Il opta pour le nationalisme - non sans de sérieuses raisons. Le ferment nationaliste ne s'était jamais éteint en terre d'Annam ; au XIXe et XXe siècles, les succès des Japonais et des Chinois avaient avivé la xénophobie latente qui sommeille toujours dans l'âme des Asiatiques ; la haine est un levier plus puissant que l'idéal, et elle est plus facile à attiser ; l'appel au nationalisme permet de mettre la main sur des mouvements non communistes mais nationalistes, et d'obtenir des appuis à l'étranger. Il faut, en effet, que l'idéologie adoptée soit en accord avec certaines aspirations même non formulées, des masses : en Chine, le partage des terres a livré la paysannerie au Parti communiste, en Indochine, la réforme agraire est devenue une formule clé, l'élimination des notables ayant, par ailleurs, satisfait le sourd désir de revanche du Nhaquê. 
     Dès 1930, le Parti communiste indochinois avait attiré une grande partie des nationalistes déçus par les autres mouvements, mais c'est seulement en 1941 que la guerre commença, lorsque Giap passa la frontière de Chine pour lutter contre "l'impérialisme français" et le "fascisme nippon". Le 16 août 1945, au moment de la capitulation japonaise, Giap disposait de 6 000 hommes. L'organisation du Parti communiste était en place, le "soulèvement spontané" des masses donna le pouvoir à Hô Chi Minh. A partir de là, le P.C.I. élimina ses rivaux, ou les assimila, avant de se dissoudre pour devenir le parti "Lao Dong" au sein duquel les nationalistes du début achevèrent de devenir communistes. La "déviation de droite" dont parlait Staline, en 1925 ("sous-estimer la force du mouvement communiste en faire une place trop grande aux nationalismes bourgeois"), avait été évitée, aussi bien que la "déviation de gauche" ("surestimer la puissance des forces communistes et négliger les alliés possibles"). 

Claude Delmas, La guerre révolutionnaire

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